Terminal méthanier du Havre : une installation délétère pour le climat dont l’utilité reste à démontrer

Alors que le terminal méthanier flottant du Havre, nommé FSRU Cape Ann, doit être mis en service en septembre prochain, Greenpeace France et le média Disclose publient conjointement mercredi 28 juin plusieurs éléments d’investigation, comprenant un rapport et deux articles. Ces derniers remettent en question l’utilité réelle de ce terminal et soulignent les avantages accordés à TotalEnergies pour son installation et son exploitation.

Greenpeace France et Disclose ont notamment comparé les données d’importation, d’exportation et de consommation de gaz, ainsi que les capacités de regazéification, en France et en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine, dans le but de déterminer si ce terminal supplémentaire est véritablement essentiel pour la sécurité énergétique du pays et celle de nos voisins européens, comme le prétend le gouvernement.

Retrouvez ici le rapport de Greenpeace France
Retrouvez ici et ici les articles de Disclose

Les principales conclusions de l’investigation menée par Greenpeace France et Disclose démontrent que :

  • L’argument de la souveraineté énergétique de la France ne convainc pas : le niveau des stocks de gaz était particulièrement haut à la fin de l’année passée. La France a d’ailleurs exporté une quantité considérable de gaz vers ses voisins en 2022, alors même que les infrastructures existantes d’importation de GNL ne sont pas pleinement utilisées. En outre, les projections de consommation de gaz fossile prévoient toutes une diminution dans les années à venir pour tenir les engagements climatiques.

  • L’impact climatique de ce terminal sera néfaste : il entraînera une augmentation de nos importations de GNL, beaucoup plus émetteur de gaz à effet de serre que le gaz transporté par gazoduc (déjà très émetteur), et encouragera la production de gaz de schiste provenant des États-Unis, particulièrement nocive pour l’environnement et la santé humaine, ainsi que la construction de nouvelles infrastructures associées.

  • Alors que l’installation de nouveaux terminaux de GNL en Europe est présentée comme une solution pour réduire la dépendance envers la Russie, les importations de GNL russe ont augmenté en 2022, et rien ne garantit que le terminal du Havre ne sera pas utilisé pour importer du GNL en provenance de Russie.

  • L’argument de la solidarité européenne ne tient pas non plus. L’Union européenne fait face à une multiplication des installations de nouveaux terminaux méthaniers, notamment en Allemagne mais aussi en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas. Ce déploiement d’infrastructures fossiles va à l’encontre des engagements climatiques de l’UE.

  • Ce nouveau terminal gazier servira principalement les intérêts financiers de TotalEnergies, dont la stratégie de croissance, reposant notamment sur le GNL, lui a permis d’engranger des profits records sur fond de guerre en Ukraine et d’augmentation des prix du gaz pour les consommateurs européens.

  • La mise en service accélérée de ce terminal fait suite aux multiples actions de lobbying de TotalEnergies auprès du gouvernement au printemps 2022. Alors que le gouvernement a limité à cinq ans la durée d’exploitation du terminal méthanier du Havre, le gestionnaire du réseau GRTgaz, partenaire de TotalEnergies pour ce projet, a réalisé des études pour l’installation de trois nouveaux terminaux méthaniers (deux terrestres et un flottant) dans la région du Havre.

  • Les risques posés par l’exploitation de ce terminal au Havre ont été largement occultés par l’État. Deux accidents majeurs sont survenus sur les terminaux méthaniers de Dunkerque (2016) et Montoir-de-Bretagne (2019), occasionnant des fuites de GNL ; pourtant la préfecture de Seine-Maritime a organisé une seule réunion publique sur le terminal du Havre, projet industriel d’ampleur, qui doit apporter l’équivalent de 10 % de la consommation française de gaz.

Le président Emmanuel Macron avait assuré en février 2022 que la France serait la première grande nation à se détourner des énergies fossiles en 30 ans. Il doit aujourd’hui rendre des comptes sur la décision d’installer cette nouvelle infrastructure gazière qui, de fait, tue dans l’œuf son engagement. « Le terminal méthanier du Havre est la nouvelle absurdité énergétique d’E. Macron, déclare Edina Ifticène, chargée de campagne énergies fossiles chez Greenpeace France. Plutôt que d’affronter la crise énergétique en mettant en place une vraie trajectoire de sortie des énergies fossiles, le gouvernement nous enferme dans de nouvelles dépendances au gaz. Il fait une nouvelle fois passer les intérêts privés de TotalEnergies avant notre intérêt général et encourage une dynamique d’augmentation de la production d’énergies fossiles, en particulier la production de gaz de schiste aux États-Unis ».

Comme le révèle Disclose, l’installation accélérée de ce terminal fait suite à de multiples actions de lobbying de TotalEnergies jusqu’au sommet de l’État et s’est faite au détriment de l’information du public sur les dangers posés par la configuration — unique au monde — choisie pour ce terminal : un bateau-usine amarré au fond d’un port, derrière une écluse, entouré de sites Seveso seuil haut.
France Nature Environnement Normandie a déposé un recours juridique pour demander l’annulation de l’arrêté de mise en service de ce terminal méthanier. L’audience se tiendra le 6 juillet au tribunal administratif de Rouen.

Dans son rapport, Greenpeace France souligne qu’une véritable souveraineté énergétique pour la France et une cohérence avec ses engagements climatiques et environnementaux ne pourront être assurées qu’au moyen d’une politique de transition énergétique à long terme. Cela implique la fin de l’expansion des énergies fossiles et le renoncement à toute nouvelle infrastructure gazière, ainsi qu’à toute extension supplémentaire des terminaux fixes existants. Sortir des énergies fossiles suppose évidemment d’investir massivement dans une réelle transition énergétique, socialement juste, fondée sur l’efficacité, la sobriété, la réduction de la demande en énergie et le développement des énergies renouvelables vers un objectif 100 % renouvelables.