Réacteurs EPR2 : des annonces de retards et de surcoûts au goût de déjà-vu

Nucléaire

Dans un article des Echos publié aujourd’hui, Joël Barre, Délégué Interministériel au Nouveau Nucléaire, annonce un retard de plus de six mois sur la finalisation des études permettant le développement du nouveau modèle de réacteur EPR2. Cette annonce s’ajoute à celles des dernières semaines (1) concernant les délais et le coût du nouveau nucléaire, et rappelle que l’obsession du gouvernement français pour la relance de cette industrie est fondée sur une illusion. « Ni la faisabilité de la construction de six réacteurs nucléaires EPR2 d’ici 2050, ni le coût de ce programme, ni les délais annoncés ne peuvent être considérés comme crédibles ou réalistes », déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Nucléaire pour Greenpeace France.

L’annonce de ce retard n’est pas anecdotique puisque le volume des études à mener pour la réalisation des plans détaillés est une donnée connue et donc anticipable. Ce premier délai illustre le manque de planification flagrant d’EDF par rapport à ses ressources disponibles pour mener à bien une hypothétique relance du nucléaire. Pour rappel, en février 2022, EDF avait effectué moins d’un million d’heures d’ingénierie sur les 20 millions d’heures d’études de conception restantes estimées (2).

De plus, contrairement à ce qu’EDF (3) et le gouvernement n’ont cessé de mettre en avant quant à l’avantage de « l’effet de série » du modèle EPR2, qui s’inscrirait dans la lignée du modèle EPR et permettrait ainsi un important retour d’expérience et des économies d’échelle, cette annonce de Joël Barre rejoint les propos qu’a tenus Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, lors de ses vœux en janvier dernier : la première paire d’EPR2 sera une tête de série, avec donc des risques d’anomalies, de surcoûts et de retards très élevés.

« Les effets d’annonce d’Emmanuel Macron se heurtent à la réalité. Ces retards et surcoûts des réacteurs EPR2 ont un goût de déjà-vu, conclut Pauline Boyer. Ils s’inscrivent dans la lignée du fiasco économique et de l’échec industriel de la filière EPR. Ni EDF, ni le gouvernement ne semblent en avoir tiré les leçons, fonçant tête baissée dans la relance d’une énergie beaucoup trop lente et inadaptée à l’urgence climatique, qui va coûter beaucoup d’argent au contribuable. Ce projet va détourner des milliards qui devraient être investis dans des mesures de sobriété énergétique, dans l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables ».

1) En début d’année, l’annonce des nouveaux déboires financiers du chantier d’Hinkley Point portrait le coût provisoire de ces deux réacteurs EPR au coût avancé par EDF pour la construction de six EPR2. Peu de temps après, Xavier Ursat, directeur exécutif d’EDF chargé de l’ingénierie et du nouveau nucléaire, avait annoncé que la nouvelle estimation du coût des EPR2 serait connue « d’ici la fin de l’année », expliquant qu’il serait « supérieur » à la première estimation de 51,7 milliards d’euros.
2) Le rapport « Travaux relatifs au nouveau nucléaire » publié en février 2022 renseigne sur le fait qu’ « EDF estime à plus de 20 millions d’heures d’ingénierie la quantité d’études de conception restantes pour aboutir au stade de detailed design, dont moins d’1 million ont été conduites jusqu’à présent », p. 25.
3) Dossier du Maître d’Ouvrage d’EDF, « L’EPR2 s’inscrit dans une logique d’industrialisation de l’EPR, à partir des enseignements tirés de la réalisation de la tête de série construite à Flamanville 3 (cf. § 2.1.1). », p. 81.