La France va-t-elle ouvrir l’année internationale de la biodiversité par la condamnation du thon rouge … et Nicolas Sarkozy clore son mandat par l’effondrement de l’espèce ?

Océans

Paris, le 06 janvier 2010. Ce jeudi, la France va décider si elle soutient ou non une inscription du thon rouge à l’annexe I de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), en vue de l’interdiction du commerce international de cette espèce, seule possibilité aujourd’hui pour – peut-être – sauver le thon rouge de Méditerranée de l’effondrement.

Cette décision sera déterminante. En effet, si la France soutient cette inscription, elle fera basculer l’Europe, et sans le soutien de l’Europe il y a peu de chance que le thon rouge soit inscrit à l’annexe I en mars prochain.

 » Le thon rouge, ce n’est pas Copenhague. Là, il n’y a pas de sénat américain, de croissance chinoise ou de puissants intérêts pétroliers. La décision relève uniquement du Président de la République et du Premier ministre. Uniquement.  » affirme François Chartier, chargé de la campagne Océan de Greenpeace France.

Malgré l’engagement du Président Sarkozy, le gouvernement tergiverse

Le Président de la République s’est engagé en juillet dernier, dans son discours du Havre, à apporter le  » soutien de la France à l’inscription du thon rouge à l’annexe de la convention internationale sur les espèces sauvages, pour en interdire le commerce « . Depuis la France a fait marche arrière, et c’est opposée le 21 septembre dernier à la proposition de la Commission européenne que l’UE se joigne à la demande de Monaco d’un classement en annexe I. La France préfèrerait un classement en annexe II (avec un quota zéro d’exportation), ce qui est proprement incompréhensible…

– le dernier rapport des scientifique de l’ICCAT (Commission Internationale pour la Conservation des thonidés de l’Atlantique) montre qu’il y a entre 89 et 96% de probabilité que l’espèce remplisse les critères d’éligibilité à l’annexe I : un niveau de population inférieur à 15% de celui d’avant la pêche industrielle. Ce constat a été confirmé en décembre par la très grande majorité des membres du Comité consultatif de la FAO. On n’est donc même pas dans un contexte d’incertitude scientifique : les experts de ces deux instances internationales, par nature très réticentes à un classement CITES, reconnaissent que le thon rouge remplit bien les conditions d’une inscription en annexe I.

– un classement Annexe II (quotas zéro d’exportation) est très aventureux juridiquement : en application de l’article 14.4 de la CITES et d’un règlement européen, les pays de l’UE pourraient être tenus par le classement tandis que les pays non UE pourraient y échapper. On ne voit pas la France prendre un tel risque économique et politique !

– sur un plan économique, soit la France soutient l’inscription à l’annexe I, et tous les pays pêcheurs seront logés à la même enseigne, soit la France ne soutient pas cette inscription et, en 2011, avec la baisse des quotas et pénalisée en raison du dépassement des quotas 2007, sa flotte ne pourra plus pêcher pendant que les autres flottes pêcheront sous son nez les derniers thons rouges de Méditerranée. Et une fois l’espèce effondrée, il y a peu de chances qu’une activité de pêche artisanale puisse reprendre à moyen terme. C’est ce qu’il s’est passé pour la morue de Terre-Neuve, l’a-t-on déjà oublié ?
Tandis qu’une inscription à l’annexe I permettrait au stock de thon rouge de se reconstituer et d’envisager une reprise de la petite pêche côtière.

Société civile et acteurs économiques montrent la voie

Les acteurs économiques sont de plus en plus nombreux à cesser de commercialiser le thon rouge : Auchan, Casino, Carrefour et, depuis le 1er janvier, Relais et Châteaux, suivis par plus de 450 grands chefs de réputation internationale.

Alors Monsieur le Président, serez-vous avec les grands chefs français et les grands groupes français de la distribution ?

Quels sont les vrais enjeux ? La sauvegarde du thon rouge ou les intérêts économiques à court terme et les intrigues politiques locales ?

 » Sauver in extremis un géant des mers avec lequel l’homme entretient une relation de pêche 5 fois millénaire, et garder la possibilité d’ici quelques années de réouvrir une pêche durable pour nos pêcheurs artisans ? Ou ne pas se mettre à dos la pêche industrielle, une vingtaine de thoniers senneurs, avant les élections régionales et accompagner l’effondrement de l’espèce ? Où est le véritable courage politique ?  » s’interrogent les deux ONG.

Le contribuable a financé la destruction de l’espèce

 » Ces grands thoniers ont déjà été financés pour moitié par le contribuable européen lors de leur construction, ce qui a contribué à la surexploitation de l’espèce, ils bénéficient aujourd’hui de plan de sortie de flotte, précisément parce que l’espèce a été surexploitée, ce qui paie quasiment l’autre moitié. Il y a de quoi sérieusement s’indigner de l’usage qui est fait des deniers du contribuable. De plus, ces thoniers savent le thon rouge et donc leur activité condamnés et investissent déjà ailleurs. Ils s’en sortiront, le thon rouge et la petite pêche côtière, non « , indique Charles Braine, chargé du programme Pêche durable du WWF France.

La lourde responsabilité du quinquennat présidentiel

Les projections scientifiques annoncent un effondrement de l’espèce aux alentours de 2012. C’est donc bien le président Sarkozy et le gouvernement Fillon qui auront eu les dernières chances de sauver l’espèce. Cette chance s’appelle : CITES Annexe I. Demain, au regard de l’histoire, ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.

Alors le thon rouge, tâche noire ou point vert sur le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy ? Le WWF et Greenpeace ne sauraient admettre autre chose qu’un point vert.

Voir la version longue du Communiqué de Presse