Greenpeace sort les grands moyens pour "sauver" la Méditerranée

Océans

Isabelle Wesselingh, journaliste de l’AFP, embarquée à bord de l’Artic Sunrise durant quelques jours pour faire un reportage sur le travail réalisé par Greenpeace en Méditerrannée, a diffusé la dépêche suivante sur le fil AFP.

A BORD DE L’ARTIC SUNRISE – Au large de Monastir, Tunisie – l’hélicoptère de Greenpeace vole au ras d’une ferme d’élevage de thons rouges. Pour dénoncer la surpêche et le « tourisme destructeur » en Méditerranée, les écologistes déploient les grands moyens, en mer et dans les airs.

« La Méditerranée concentre tout ce qu’il y a de mauvais pour les mers: pillage du poisson, destruction des côtes par un tourisme galopant, rejets toxiques », explique Dave Roberts, coordinateur de la campagne de l’organisation écologiste, basée à Amsterdam.

Ainsi en 2005 et 2006, les terrains nécessaires à la construction d’environ 1,5 million de maisons et de 293 terrains de golf ont été réservés le long de la côte espagnole au détriment des espaces naturels du littoral et des ressources en eau, selon Greenpeace.

Côté poisson, le thon rouge, géant des mers pouvant atteindre 900 kilos, pourrait voir sa population s’effondrer si les niveaux de pêche actuels se maintiennent, selon les scientifiques. Avec par ricochet, la disparition de pêcheries centenaires.

« Aujourd’hui, en l’espace de dix secondes, vous trouvez du plastique en mer », regrette Pete Bouquet, vieux loup de mer anglais, capitaine de l’Arctic Sunrise, le navire de Greenpeace qui sillonne la Grande bleue durant quatre mois, de mai à fin août, de Turquie en Espagne.

Pour attirer l’attention du public et évaluer la pollution, Greenpeace a mobilisé cet ancien brise-glace norvégien, repeint aux couleurs arc-en-ciel, un hélicoptère, un robot d’observation des fonds marins pouvant descendre à 200 mètres de profondeur et des équipements de prélèvement du plancton.

Chaque jour cette semaine, le baron Van Boetzelaer, ex-pilote de la marine néerlandaise, emmène un photographe et un vidéaste en hélicoptère à la recherche d’éventuels bateaux de l’Union européenne pêchant illégalement ou approvisonnant les fermes à thons installées sur la côte tunisienne.

Coût de l’opération Arctic Sunrise (carburant, équipage, maintenance et provisions) 5.780 euros par jour, soit 693.600 euros pour toute la campagne.

Plus le coût opérationnel de l’hélicoptère, environ 200 euros par heure de vol, et le paiement des employés de Greenpeace.

Des budgets loin des débuts de Greenpeace, « lorsqu’une bande de hippies partait en Islande protéger les baleines », remarque en souriant M. Bouquet, premier capitaine du Rainbow Warrior, le navire mythique des soldats de l’écologie.

Ironiquement, il souligne que l’organisation écologiste a pris son envol financier juste après que les services secrets français ont fait couler le Rainbow Warrior, en 1986, en Nouvelle-Zélande.

« En étant sur un bateau, nous pouvons montrer ce qui se passe loin des yeux du grand public en terme de pollution ou de pêche illégale. Nous pouvons aussi arrêter certains dommages à l’environnement », souligne la néo-zélandaise Karli Thomas, directrice de la campagne Méditerranée.

En Italie, Greenpeace qui plaide pour la création de réserves marines internationales, a fait confisquer des filets maillants dérivants interdits par l’Union européenne. En Turquie, des thoniers observés ont attaqué l’Arctic Sunrise à coups de boules de plomb.

Pourtant, entre Malte, la Libye et la Tunisie, les pêcheurs remorquant des tonnes de thon rouge accueillent volontiers les membres de Greenpeace à bord de leur chalutier. Les Siciliens offrent du café, les Tunisiens, des sodas. Giuseppe Perniciaro, un des capitaines siciliens raconte avoir vu la mer « changer » en 35 ans de pêche : » il aurait mieux valu qu’il y ait des règles il y a 30 ans, la situation ne serait pas aussi mauvaise ».

©AFP / 04 juillet 2008