Discours d’E. Macron à la COP30 : des manques inquiétants, un autosatisfecit déplacé

Climat, Forêts

Lors du Sommet des Leaders en amont de la COP30, Emmanuel Macron est revenu sur l’importance qu’a tenu l’accord de Paris dans l’inflexion de la trajectoire climatique. Il a aussi rappelé que la France accueillerait début décembre un événement avec les scientifiques du GIEC. S’il a souligné l’ambition de la feuille de route climat de l’Union européenne, il faut rappeler que cette ambition a été amoindrie par l’insistance de la France aux côtés d’autres pays tout au long des négociations pour introduire des flexibilités notamment sur les crédits carbone internationaux. 

Malgré la stagnation de la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France depuis le début de l’année, ainsi que de nombreux reculs dans les politiques environnementales, Emmanuel Macron a dressé un bilan élogieux de l’action de la France, en décalage avec la situation réelle. Alors que la COP se tient aux portes de la Guyane, il n’a consacré que quelques secondes aux territoires ultramarins. 

Tropical Forest Forever Facility (TFFF) : l’arbre qui cache la forêt ?

Le soutien financier au TFFF annoncé par Emmanuel Macron, conditionné à des évolutions de l’outil, marque une avancée dans la lutte contre la déforestation parce que ce mécanisme ouvre des financements directs pour les Peuples Autochtones. Il doit cependant aller plus loin et plus rapidement : l’année butoir fixée – 2030 – est aussi celle où la déforestation doit avoir été abolie, conformément à l’engagement pris lors de la COP28 à Dubaï (Bilan Mondial). Pour atteindre cet objectif, il revient désormais à la délégation française de défendre avec détermination un plan d’action qui soit ambitieux et concret, tout en s’assurant des engagements fermes des partenaires internationaux. Le président Lula a d’ailleurs souligné la nécessité d’une telle feuille de route “juste et planifiée” dans son discours d’ouverture.

Enfin, si le président souhaite un vrai tournant dans la protection de l’Amazonie, il devrait commencer par le faire en Guyane. La déforestation continue, notamment à cause d’une régulation trop faible, où les Peuples Autochtones n’ont toujours pas récupéré les terres qui leur ont été promises en 2017 par Emmanuel Macron. Des annonces sur ces aspects lors de cette COP aux portes de l’Amazonie prouveraient l’authenticité de l’engagement de la France sur les sujets forestiers.

Finance : concrétiser les engagements pris à Bakou 

Alors que de nouveaux engagements en matière de financement climatique sont attendus cette année de la part de plusieurs pays riches dont la France, Emmanuel Macron s’est contenté de mettre en avant les chiffres du financement climat pour l’année 2024 sans évoquer les perspectives à venir. Or, il est essentiel de concrétiser les engagements pris lors de la COP29 à Bakou, notamment l’objectif collectif de débloquer au moins 300 milliards de dollars de financement climatique par an (NCQG). De plus, la France met en avant une contribution financière de 7,2 milliards d’euros à la lutte contre le changement climatique, dont 3 milliards dédiés à l’adaptation. Mais où sont les engagements pour les pertes et dommages ? Le président omet de dire qu’une large part des financements accordés par la France le sont sous forme de prêts, alimentant ainsi la crise de la dette qui frappe les pays les plus vulnérables. Entre 2015 et 2022, les coûts du service de la dette ont bondi de 8,4 % à 12,7 % du PIB dans 49 pays africains et 20 pays africains étaient en 2024 en situation de détresse ou à haut risque d’endettement, contre 13 en 2014. 

Pourtant, de nombreuses solutions existent pour accroître les financements et l’investissement public et soutenir les objectifs climatiques. Taxer le secteur de l’aviation est un premier pas en avant, mais taxer le secteur de l’industrie fossile peut aussi rapporter gros, en plus d’être une mesure plébiscitée par 83 % des français et françaises et 81 % de la population mondiale. Oxfam propose également la mise en place d’une taxe sur les profits des 585 plus grandes entreprises polluantes du secteur des combustibles fossiles dans le monde, qui pourrait rapporter jusqu’à 400 milliards de dollars par an dès la première année. 

Plus globalement une réforme en profondeur de la fiscalité internationale s’impose. Alors que se tiendront à Belém les négociations climatiques, des négociations “miroir” auront lieu à Nairobi pour élaborer une Convention internationale sur la fiscalité mondiale que la France doit pleinement soutenir. 

Le charbon et le méthane dans le radar, le gaz et le pétrole oubliés 

D’après le discours d’Emmanuel Macron, la France est un vrai leader sur la sortie du charbon, tant sur son territoire qu’à travers ses partenariats, notamment avec les pays émergents. Pourtant, elle a du retard : Emmanuel Macron a annoncé à nouveau la fermeture des deux dernières centrales à charbon, promesse qui aurait dû aboutir en 2022. 

Il a également rappelé que les États se sont engagés il y a deux ans à sortir de toutes les énergies fossiles, lors de la COP28. Contrairement aux dates de sortie du charbon, du pétrole et du gaz qu’il avait suggérées pour les pays développés dans son discours d’ouverture à la COP28, il n’a apporté aucune précision cette fois-ci. Plus que jamais, un calendrier et des trajectoires de sortie concrètes, avec les pays développés qui prenant les devants, sont indispensables pour traduire les promesses en actes.

Sur la réduction des émissions et la transition énergétique, il y a un autre élément important à noter : le président de la République a insisté sur la nécessité de s’occuper également de la réduction des émissions de méthane, qui sont, il faut le reconnaître, encore trop peu discutées dans les négociations internationales. Cet appel est donc le bienvenu, mais manque d’annonce concrète de la part de la France, d’autant qu’il s’agit plus de considérer les fuites de méthane liées à l’exploitation des énergies fossiles que celles provenant d’autres sources comme l’élevage, alors que les systèmes alimentaires pèsent pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Si c’est bien la COP de la mise en œuvre comme la présidence brésilienne le rappelle, il ne s’agit pas seulement de venir avec des appels et des engagements vagues, mais bien des plans d’actions concrets, datés, chiffrés pour des trajectoires de transition juste, ancrées dans la justice sociale. Sur ce point, la France n’a donc pas été au rendez-vous.

Des fausses solutions liées au secteur des terres 

L’ambition pourrait de plus être affaiblie, jusqu’à avoir des effets délétères sur l’action climatique, à cause de fausses solutions mises en avant dans le discours du Président. Les biocarburants, dont les impacts sur l’usage des terres peuvent entrer en compétition avec la souveraineté alimentaire des populations, un objectif pourtant affiché par la France, sont présentés comme une solution climatique. À l’échelle mondiale, ils contribuent à la financiarisation des terres, augmentent les inégalités et consolident le pouvoir de grandes entreprises agro-industrielles. Comme pour d’autres carburants dits soutenables, le recours aux biocarburants ne fait que déplacer le problème de la dépendance aux énergies fossiles et présente une faille dans l’accord arraché de haute lutte à la COP28, notamment par la France, sur la sortie des énergies fossiles.

L’ouverture affichée sur les crédits carbone témoigne aussi d’incohérences sur l’alignement avec la science. Le GIEC affirme que la capacité du secteur des terres à capter du carbone est largement surestimée, sans compter les multiples impacts sociaux et sur les droits humains liés à l’échange de crédits carbone émis pour des terres du Sud Global. Les règles de l’article 6 de l’accord de Paris ne suffisent pas à garantir l’intégrité environnementale des crédits carbone ni à combler pleinement les lacunes du marché volontaire. Les crédits carbone ne sont pas une forme de finance climat et les garde-fous ne sont pas en place pour empêcher leurs impacts négatifs.