Climat : alors que l’ONU alerte, l’Union européenne se contente d’un objectif insuffisant

Climat

Les ministres européens de l’Environnement ont proposé un objectif climatique pour 2040 largement en deçà des recommandations minimales formulées par les experts scientifiques de l’Union européenne (UE). Réunis depuis hier à Bruxelles, les ministres se sont accordés sur une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE d’ici 2040 (par rapport à 1990), tout en permettant que cinq points de pourcentage de cette baisse proviennent de réductions réalisées en dehors de l’Union à travers l’achat de crédits carbone internationaux.

Cette décision intervient alors qu’un nouveau rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Emissions Gap Report 2025, avertit que la planète se dirige vers un réchauffement de 2,3 à 2,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, mettant en péril à court terme la limite de 1,5 °C fixée par l’accord de Paris. Le rapport souligne que le manque d’ambition des engagements des Etats entraîne « une grave escalade des risques et des dommages climatiques ».

Le Conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique (ESABCC) avait recommandé des réductions de 90 à 95 % des émissions domestiques d’ici 2040, insistant sur le fait que ces coupes devaient être réalisées au sein même de l’UE, et non comptabilisées via des engagements pris à l’étranger.

Les ministres ont également convenu que la Commission européenne pourrait revoir et affaiblir cet objectif en cas de hausse des prix de l’énergie, d’impact économique jugé négatif, ou encore en fonction d’évolutions technologiques. Pour obtenir un accord des États les plus récalcitrants, les ministres ont également accepté de retarder le lancement du marché européen du carbone pour les émissions des voitures et des systèmes de chauffage, de prolonger les permis de polluer pour l’industrie lourde et d’exempter certains carburants dits « à faible teneur en carbone » dans le cadre de l’abandon progressif des moteurs à combustion.

Pour Thomas Gelin, chargé de campagne Climat pour Greenpeace UE : « Une réduction de 90 % n’aurait déjà pas suffi à rendre la contribution de l’UE équitable face à l’urgence climatique mondiale. Mais en autorisant un système de “blanchiment carbone” à l’étranger pour atteindre ce chiffre nominal, la véritable ambition de l’UE est bien plus faible, d’autant plus que cet engagement pourra être revu à la baisse tous les deux ans. Alors que les avertissements des scientifiques sur les points de bascule climatiques, les vagues de chaleur meurtrières ou les pertes agricoles se multiplient, un tel manque de sérieux est profondément irresponsable et aura un coût humain et économique désastreux. »

Les discussions à rallonge entre les gouvernements nationaux, notamment retardées par le marchandage de la France, ont repoussé l’annonce de l’objectif climatique intermédiaire de l’UE pour 2035 – cible officielle que l’Union doit soumettre aux Nations unies dans le cadre de l’accord de Paris. Les ministres ne sont pas parvenus à s’entendre sur un objectif ferme pour 2035, maintenant la fourchette précédemment convenue de 66,25 % à 72,5 % de réduction des émissions. Or, même la limite supérieure de cette fourchette est incompatible avec une trajectoire crédible vers la réduction de 90 % proposée pour 2040, ce qui fragilise encore la crédibilité de l’UE comme cheffe de file de l’action climatique mondiale, à quelques jours du début de la COP.

Pour Lorelei Limousin, chargée de campagne Climat pour Greenpeace France : « L’ambition insuffisante dressée par l’Union européenne est, entre autres, le résultat d’une position française délétère depuis des mois. La responsabilité historique européenne n’est pourtant plus à démontrer, et à quelques jours de la COP30, ces signaux envoyés, moins-disants et contraires à la justice climatique, sont extrêmement inquiétants. La France doit œuvrer pour que la COP30 apporte une réponse efficace au manque flagrant d’ambition mis en lumière par l’ONU, pour maintenir l’objectif de réchauffement de 1,5 °C. C’est son devoir moral et diplomatique à l’approche des 10 ans de l’accord de Paris. »


Notes aux rédactions :

La commission de l’Environnement du Parlement européen doit voter la semaine prochaine sur sa propre proposition de cibles climatiques pour l’UE, sous la direction d’un eurodéputé d’extrême droite qui avait initialement tenté de bloquer tout nouvel objectif.

Le texte devra ensuite être approuvé en séance plénière avant l’ouverture des négociations à trois (Parlement, Commission et États membres).

Les ministres de l’Environnement se retrouveront à nouveau le 16 décembre, date à laquelle les objectifs négociés pourraient être finalisés.