Alors que Shell tente d’intimider Greenpeace avec des menaces juridiques, de nouveaux activistes arrivent en renfort sur la plateforme pétrolière et gazière

Amsterdam, le 6 février 2023

Alors que des activistes occupent une plateforme pétrolière et gazière de manière pacifiste depuis plusieurs jours, Shell essaie de bâillonner Greenpeace International : la major a obtenu une injonction d’éloignement. Elle menace les activistes avec des amendes et des peines de prison [1].

Mais aujourd’hui, la mobilisation de Greenpeace International est montée d’un cran, faisant ainsi échouer les tactiques juridiques de Shell.

Autour de 9h ce matin, dans la Manche, le Merida, trimaran affrété par Greenpeace France, ainsi que deux petits bateaux, se sont approchés du White Marlin, le navire qui transporte vers la mer du Nord la plateforme pétrolière et gazière de 34 000 tonnes de Shell.

Deux grimpeurs supplémentaires ont rejoint les occupants de la plateforme, grâce à des bateaux non concernés par l’injonction du tribunal.

Les photos et vidéos de l’action sont mises en ligne au fur et à mesure de la journée ici 

Les activistes exhortent la major à mettre fin à tout nouveau projet pétrolier et gazier, à prendre ses responsabilités et à payer pour la destruction climatique dont elle est responsable.
Des images montrent qu’un navire d’escorte s’approche des militants pour les surveiller. Il s’agit d’un bateau appartenant à Boskalis, la société à laquelle Shell a confié le transport de la plateforme.

Deux grimpeurs de Greenpeace International, le Français Pascal Havez et l’Allemande Silja Zimmermann, ont escaladé le navire sous contrat avec Shell à l’aide de cordes, depuis le Suzy Q, un petit bateau appartenant à Greenpeace International.
Ils ont ainsi rejoint quatre autres activistes : l’Argentin Carlos Marcelo Bariggi Amara, le Turc Yakup Çetinkaya, la Britannique Imogen Michel et l’États-unienne Usnea Granger, qui occupent la plateforme depuis le 31 janvier 2023.

Trois autres activistes alliés de Greenpeace, le Sud-Africain Nonhle Mbuthuma, le Libanais Hussein Ali Ghandour et l’Italienne Noa Helffer, se sont joints à la mobilisation depuis le Merida, témoignant de la situation et brandissant des banderoles avec le message “Stop Drilling. Start Paying.” (Arrêtez de forer. Commencez à payer.)

Le 2 février, Shell annonçait des résultats record pour l’année 2022, avec un bénéfice net ajusté atteignant 39,9 milliards de dollars.

  • Hussein Ali Ghandour, originaire du Liban, s’exprime depuis le Merida : “Je viens de la région la plus aride du monde ; elle se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les sécheresses, feux de forêt, crues soudaines et autres catastrophes climatiques font désormais partie de notre quotidien. Elles aggravent nos difficultés sociales et économiques. Les gros pollueurs comme Shell sont historiquement responsables de ces pertes et dommages. L’horloge de la justice climatique tourne. Les pollueurs doivent arrêter d’investir dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers et payer pour les dizaines d’années de destruction climatique dont ils sont responsables à travers le monde.”
  • La grimpeuse Silja Zimmermann, originaire d’Allemagne, ajoute : “Shell ne nous fera pas taire. Le monde entier doit savoir que Shell prévoit de détruire la planète, en aggravant la crise climatique et sans payer un centime pour réparer le carnage. On a une mauvaise nouvelle pour Shell : la résistance s’organise, on ne peut plus accepter de dépendre d’énergies fossiles qui détruisent nos vies. Nos étés sont de plus en plus étouffants, le manque d’eau impacte nos agriculteurs et détruit nos forêts, les factures énergétiques nous ruinent. Des travailleurs et des communautés entières sont à la merci de la volatilité des marchés pétroliers et gaziers. En Allemagne en 2021, des inondations ont fait 180 morts et ont coûté 30 milliards d’euros de reconstruction. Il est temps que cela cesse. Shell doit arrêter de forer, et commencer à payer.”
  • Depuis le Merida, l’italienne Noa Helffer conclut : “On sait que la crise climatique touche en premier lieu les pays qui ont le moins contribué au dérèglement climatique; en Europe, les citoyens et citoyennes  sont solidaires de ces pays et populations. J’ai grandi en Italie, où j’ai déjà vécu des inondations m’arrivant jusqu’à la taille, et à l’inverse il arrivait également qu’il ne pleuve pas pendant des mois… au grand désespoir des agriculteurs. Les bénéfices de Shell sont nos pertes. Il est temps de faire payer les pollueurs.”

Vendredi 3 février, tard dans la soirée, Shell a publié/transmis une ordonnance judiciaire accordée “ex parte”. Greenpeace n’a pas été prévenue à l’avance et n’a pas eu la possibilité de se défendre. Cela nuit à l’équité de la procédure judiciaire.

L’injonction stipule que :
– Les quatre activistes qui occupent actuellement la plateforme pétrolière et gazière doivent convenir d’un plan avec le capitaine du White Marlin pour débarquer en toute sécurité ;
– Le Sea Beaver, sous pavillon britannique, et l’Arctic Sunrise, sous pavillon néerlandais, ainsi que leurs bateaux, doivent respecter une zone d’éloignement de 500 mètres autour du White Marlin.

Le Merida ainsi que deux petits bateaux ne sont pas concernés par cette injonction.

La plateforme, désormais occupée par six activistes, est une pièce maîtresse de l’équipement de production de pétrole et de gaz qui va permettre à Shell de forer huit nouveaux puits dans le gisement gazier et pétrolier de Penguins, en mer du Nord. La consommation du pétrole et du gaz contenus dans ces puits générerait 45 000 tonnes de CO2. C’est plus que l’intégralité des émissions annuelles de la Norvège [2]. Entre 1965 et 2018, Shell a généré dix fois plus de pollution carbone que les Philippines [3].

Shell a dévoilé dans une note aux investisseurs que l’expansion de ce champ pourrait aboutir à l’ouverture d’autres puits [4].

L’action d’aujourd’hui s’inscrit dans une série d’actions non-violentes ciblant Shell.

  • L’occupation de la plateforme pétrolière et gazière a démarré le 31 janvier.
  • Le 2 février, jour de l’annonce des résultats 2022 de Shell, un autre groupe d’activistes a ciblé le siège social de la major, à Londres. Les activistes ont érigé un faux panneau d’affichage de prix d’une station service pour afficher les 39,9 milliards de dollars de profits de Shell, avec un point d’interrogation à côté de la somme versée pour les dommages et intérêts climatiques.
  • Aujourd’hui, des activistes des Philippines se sont mobilisés devant le siège de Shell, à Manille. Des activistes originaires de communautés affectées par le changement climatique ont pédalé depuis Quezon City pour remettre à la major un courrier de revendications.

 

Notes aux rédactions

Les photos et vidéos sont disponibles ici.

[1] Le non-respect d’une injonction peut entraîner une procédure d’outrage au tribunal en Angleterre et au Pays de Galles. La sanction pour outrage au tribunal peut aller jusqu’à deux ans de prison, une amende, ou les deux.

[2] La consommation du pétrole et du gaz contenus dans le gisement gazier et pétrolier de Penguins générerait 45 000 tonnes de CO2. C’est plus que l’intégralité des émissions annuelles de la Norvège.
Émissions annuelles de la Norvège pour 2021 : 40 918 550 tonnes, selon Our World in Data.

Selon Rystad, l’expansion de Penguins contient 79,9 (Oil mBOE) et 209,8 (Gas BCF).

Selon le calculateur EPA :
– 79,9 (Oil mBOE)  x 0,42 (EPA Multiplier) = 33 516 000 tonnes CO2e
– 209,8 (Gas BCF) x 54,740 (EPA Multiplier) = 11 489 926 tonnes CO2e
– 11 489 926 tonnes CO2e + 33 516 000 tonnes CO2e = 45 005 926 tonnes CO2e

[3] Entre 1965 et 2018, Shell a généré dix fois plus de pollution carbone que les Philippines.

Entre 1965 et 2018, selon le Climate Accountability Institute, Shell a généré 32 498 milliards de tonnes de Co2e.

Entre 1965 et 2018, selon Our World in Data, les Philippines ont généré  3 110 444 183 tonnes de CO2e.

[4] Penguins growth strategy, Upstream, 2018