Pour créer le monde plus désirable et souhaitable auquel nous aspirons, nous devons commencer par reconnaître que la destruction des vies humaines et celle des ressources de la planète ont les mêmes racines violentes, ancrées dans des systèmes d’oppression et d’exploitation alimentés par des pratiques coloniales, capitalistes et patriarcales. Retour sur quelques luttes féministes emblématiques des dernières décennies, sources d’inspiration pour les combats écologistes.
Avril 1973, Uttarakhand, Inde du Nord – Le mouvement Chipko
Mobilisation écoféministe en 1973, dans un village de l’Uttar Pradesh, aujourd’hui situé dans l’Uttarakhand, berceau du mouvement Chipko.
© NA, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
La campagne a été un succès et bientôt des centaines d’autres communautés rurales à travers le pays ont appliqué la même méthode, généralement sous l’impulsion de femmes. Le mouvement Chipko est considéré comme l’un des premiers mouvements écoféministes du siècle dernier, dont les principes sont la résistance non-violente, l’action directe décentralisée et l’écologie.
1978-1981, Bretagne, France – Lutte antinucléaire, par les femmes de Plogoff
Femmes mobilisées contre le projet de centrale nucléaire, Plogoff , pointe du Raz, France.
© Yvon Boelle / Abaca
En juin 1976, le comité de défense de Plogoff est créé, à l’initiative du maire, Jean-Marie Kerloch, accompagné par ses concitoyennes et concitoyens. Or, à Plogoff, les hommes sont marins, et fort éloignés de la situation locale. À terre : les femmes, qui dirigent et font des choix en toute autonomie. Ce sont bien elles qui vont mener la lutte et s’opposer, notamment physiquement, aux décisions politiques. Durant la période de l’enquête d’utilité publique (début 1980), notamment, et en dépit de la répression violente, elles vont se relayer pour éloigner les gendarmes mobiles, monter en première ligne sur les barricades et bloquer les accès à la commune.
Le 12 décembre 1981, le projet est abandonné. Un bel exemple de la lutte féministe antinucléaire et de l’importance de la voix des femmes dans la préservation de l’environnement.
Juin 2015, Argentine – Ni Una Menos
Marche pour Ni Una Menos à Santa Fe, Argentine, 2018.
© TitiNicola, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
Des mouvements citoyens du même nom se sont rapidement formés dans d’autres pays d’Amérique latine ainsi qu’en Europe. Aujourd’hui encore, leurs mobilisations rassemblent des centaines de milliers de personnes dans les rues pour mettre fin aux relations de pouvoir patriarcal. Le combat de Ni Una Menos adopte une approche intersectionnelle en soulignant que la violence patriarcale est étroitement liée aux injustices sexuelles, raciales, économiques et coloniales, entre autres. La solidarité est au cœur de leur résistance qui rassemble des personnes de tous sexes et genres pour exiger la fin des injustices sociales. Les actions de masse ont visibilisé les questions féministes dans les médias et dans la société en Amérique latine, créant une nouvelle vague féministe connue sous le nom de « la marea verde », « la vague verte », en référence aux emblématiques écharpes vertes que les « pro-choice » portent en signe de soutien à la campagne pour la légalisation de l’avortement.
Septembre 2022, Iran – Meurtre de Jina Amini
Manifestations de solidarité avec l’Iran, Berlin, octobre 2022.
© Amir Sarabadani, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
Dans les jours et les semaines qui ont suivi la mort de Jina Amini, des manifestations de masse organisées par des femmes ont eu lieu dans tout le pays. Contrairement aux révoltes précédentes, celle-ci a rassemblé différents secteurs de la société civile, de groupes ethniques et religieux mais aussi de classes économiques et de tranches d’âge très divers, en un front uni et solide. Toutes et tous se sont concentré·es sur un ensemble de revendications communes fondées sur les valeurs démocratiques, plutôt que sur leurs différences. Le régime a réagi en arrêtant, torturant et emprisonnant des milliers de personnes et en tuant des centaines de manifestant·es non violent·es.
Les mobilisations de masse et les grèves ont également engendré des manifestations de solidarité internationale, avec des collectifs citoyens, des organisations de défense des droits humains et des individus demandant instamment la fin de la domination violente de l’État islamique sur ses populations. Cette dernière vague de soulèvements féministes met en lumière le pouvoir d’un front uni diversifié. Le slogan kurde « Jin Jiyan Azadi » (Femme, Vie, Liberté) est désormais un hymne féministe international célèbre.
*Mahsa est le nom persan qu’elle a été contrainte d’adopter officiellement car, en raison d’une longue histoire de discrimination à l’encontre des Kurdes en tant que communauté ethnique minoritaire dans l’État d’Iran, les noms kurdes sont interdits. Ironiquement, son vrai nom et le nom que sa famille et ses amis proches lui donnaient, « Jina », signifie « vie » en kurde.
Les actions directes et non-violentes, les grèves et les manifestations de masse sont autant de tactiques utilisées par les mouvements féministes et de justice climatique dans le monde entier. Mettons en pratique les notions d’intersectionnalité, de solidarité et de collaboration en déconstruisant les préjugés, en écoutant les autres et en apprenant de chacune et chacun, en faisant entendre nos voix et en nous mobilisant activement les un·es pour les autres. En mettant les voix des communautés les plus touchées au cœur de l’action, nous pouvons mettre collectivement en marche un vrai changement de société.