La session de négociations intermédiaire en vue de préparer la COP 21, qui débute à Paris le 30 novembre 2015, s’est achevée vendredi dernier. Son objectif ? Préparer un brouillon d’accord que les différentes parties présentes à Paris devront finaliser pour aboutir à un texte commun. A quelques semaines du début des festivités, où en est-on ?

Climat

COP21 : le compte n’y est pas

La session de négociations intermédiaire en vue de préparer la COP 21, qui débute à Paris le 30 novembre 2015, s’est achevée vendredi dernier. Son objectif ? Préparer un brouillon d’accord que les différentes parties présentes à Paris devront finaliser pour aboutir à un texte commun. A quelques semaines du début des festivités, où en est-on ?

Fonte des glaces au Groenland © Greenpeace / Nick Cobbing

Le seuil des 2°C, enjeu principal

Rappelons d’abord que l’enjeu principal de l’accord à Paris est de parvenir à contenir l’augmentation des températures en deçà des 2°C – voire 1,5°C si l’on en croit les dernières études scientifiques. Ce qui implique grosso modo deux choses : 1) engager une transition énergétique mondiale, en finir avec les énergies fossiles et s’engager résolument en faveur du développement des énergies renouvelables, et 2) organiser un soutien financier aux pays en développement qui font d’ores et déjà face à toutes sortes de cataclysmes climatiques. Car le dérèglement climatique tue d’ores et déjà – et les Etats du nord ont une responsabilité proéminente dans cet état de fait.

Des contributions nationales insuffisantes

Pour le moment, 150 Etats ont publié leur contribution, leur feuille de route. Mais elles sont insuffisantes. Additionnées, les mesures sur la table nous placent plutôt sur une courbe de +3,5 °C. Quelques bons élèves : le Costa Rica, l’Ethiopie, quelques îles menacées par la montée des eaux. Mais en face, les gros pollueurs affichent un manque flagrant d’ambition.

L’objectif d’un accord de Paris, c’est de créer un cadre clair qui permette de s’assurer que ces contributions ne seront que des points de départ, régulièrement évalués et revus à la hausse, même avant 2020 (date de l’entrée en vigueur de l’accord), et que les Etats seront effectivement redevables des engagements pris. Mais le brouillon reste trop frileux et très fragile sur ces enjeux majeurs.

Tensions nord/sud

Le G77, coalition des pays les plus vulnérables au bouleversement climatique, s’est ému des déséquilbres contenus dans le texte présenté par les co-présidents des négociations, tant il ne reflétait pas leurs préoccupations en matière d’adaptation, de financements, de “pertes et dommages”… Bref, du peu de place de la notion de justice climatique. Le brouillon d’accord a donc été amendé pour inclure les demandes du sud.

Fresque murale pour la justice climatique sur les îles Tuvalu, menacées par la montée des eaux © Steven Lyon / Greenpeace

S’il est plus long et moins clair que la précédente mouture, il est néanmoins accepté par tous les Etats comme une base de négociation, et il prend en compte des options plus ambitieuses. Mais il reste cependant trop flou pour le moment, et fragilisé par le jeu de “poker menteur” des Etats et les embûches semées par les producteurs de pétrole et les lobbyistes privés, qui défendent en coulisse des intérêts à court terme. En outre, la question de sa portée juridique – sera-t-il contraignant ? – n’est pas encore tranchée.

Quel objectif pour quelle échéance ?

Concernant les demandes spécifiquement portées par Greenpeace, le compte n’y est pas. A grands traits, deux enjeux majeurs concernent ce texte : quelle est la nature de l’objectif de long terme qu’il se donne et quelle est l’échéance qu’il prévoit pour s’y tenir.

Sur la nature de l’objectif, les négociateurs refusent de parler d’une sortie des énergies fossiles et d’une transition vers un monde alimenté à 100% par des énergies renouvelables – un comble. Pour autant, le désastre complet a été évité puisque le texte parle à nouveau de “décabornisation” – si le texte s’en tenait à demander une simple baisse des gaz à effet de serre sans s’avancer sur les changements structurels à mener, il serait totalement vain. Mais encore faudrait-il préciser quelle décarbonisation pour ne pas sombrer dans de fausses solutions comme le nucléaire.

Second enjeu : l’échéance. Pour l’instant rien n’est fixé. Mais l’option d’une échéance à 2100 – quand il sera définitivement trop tard – est malheureusement encore sur la table. D’autres options au contraire s’inscrivent dans notre démarche, à savoir un objectif de long terme à 2050. Rappelons-le : plusieurs scénarios scientifiques démontrent qu’une transition vers 100% de renouvelables en 2050 est parfaitement possible. Question de volonté politique.

Des éoliennes offshore au large du Royaume-Uni © Ashley Cooper / Greenpeace

Le financement de la transition et de l’adaptation, question cruciale

La question financière sera peut-être la plus polémique à Paris. Il s’agira de discuter d’une réorientation des investissements et des subventions publiques qui dessinent les évolutions économiques, mais aussi de l’importance du financement des efforts d’adaptation des pays les plus vulnérables. Rappelons qu’engager une transition énergétique conséquente demande des investissements publics de taille – auxquels les pays en développement devront eux aussi souscrire.

Pour cela, il faut que des transferts financiers effectifs circulent du nord vers le sud afin d’aider les pays défavorisés face aux nouvelles contraintes climatiques, ce sur quoi certains pays industrialisés commencent déjà, malheureusement, à ergoter. Cet enjeu recoupe la question transversale des négociations, à savoir celle de la “différenciation” entre pays dit “développés” et pays “en développement”, ce qui implique des responsabilités et des contributions différentes. La notion de “différenciation” conditionne ainsi l’acceptabilité des populations et des gouvernements quant aux efforts à engager.

Total manœuvre

Le dernier round à Bonn a aussi mis en évidence l’offensive des pétroliers sur les négociations. Le « Plan d’action Lima-Paris », héritage du Sommet sur le climat de septembre 2014 à New York, est un dispositif conduit par les présidences péruvienne de la COP20 et française de la COP21, le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), et le Secrétariat général des Nations unies. Il vise à regrouper et mettre en valeur les initiatives portées par des entreprises, collectivités, organisations internationales, ONG. Et, selon les décisions prises pendant la COP à Paris, cet Agenda « parallèle » pourrait en fait se retrouver institutionnalisé comme espace au sein de la Convention.

Or nous avons appris que Total et les autres multinationales de l’énergie et du gaz qui prétendent s’engager pour le climat – sans pour autant prévoir de geler leurs réserves d’énergies fossiles – pourraient être acceptés dans le dispositif ! Greenwashing et lobbying à tous les étages. De mauvais augure.

Action contre de nouvelles explorations pétrolières en Nouvelle Zélande © Greenpeace / Fraser Newman

Manque de transparence

Enfin, cette dernière session a vu les relations entre les Etats et la société civile se tendre. En effet, à la demande du Japon, les négociations se sont déroulées à huis-clos, à l’écart des ONG. Ce qui pose la question de la façon dont la COP va être gérée à Paris : un tel manque de transparence est inacceptable. Rappelons que Greenpeace, parmi d’autres ONG, a un statut d’observateur au sein de la CCNUCC (ONU) et qu’il est dans ses prérogatives de pouvoir témoigner de ce qui se déroule au sein de ces négociations. Car le climat concerne tout un chacun : c’est un enjeu démocratique.

Prochaines étapes

Il reste 6 semaines jusqu’à Paris : on sait déjà que l’accord ne sera pas pleinement satisfaisant, mais il doit a minima proposer un chemin qui va dans la bonne direction. Dans les semaines qui viennent, les sujets tendus vont être discutés à haut niveau, dans les ministères et à plusieurs occasions (G20, pré-COP juste avant l’ouverture des négociations officielles, etc). Charge à nos décideurs politiques de trouver des compromis ambitieux, au lieu de s’en remettre systématiquement au plus petit dénominateur commun.

S’engager

En début de semaine, la planète a connu l’ouragan le plus puissant jamais enregistré. Face à l’inertie des négociateurs, il va falloir un mouvement citoyen de même ampleur pour renverser la table. Rendez-vous à nos côtés les 28/11, 29/11 et 12/12 pour donner de la voix !