Brésil : Greenpeace suspend ses négociations avec le géant du bétail JBS

Les conditionneurs de viande au centre du scandale

Un abattoir brésilien situé dans l’État du Mato Grosso.

Crime environnemental

Greenpeace considère que les accusations portées contre JBS par l’IBAMA (l’agence brésilienne de l’environnement) sont extrêmement graves, et décide par conséquent de suspendre les négociations avec l’entreprise jusqu’à ce qu’elle puisse prouver que la viande qu’elle commercialise totalement est exempte de déboisement, de tout travail d’esclave ou encore d’empiètement sur des territoires autochtones ou des aires protégées.

En effet, suite à l’opération « Cold Meat » (Carne fria), rendue publique juste une semaine après un scandale international dénonçant la corruption et les atteintes au contrôle sanitaire des exportations brésiliennes de viande, l’IBAMA a placé sous embargo deux usines JBS à Redenção et Santana Do Araguaia, dans l’État du Pará.

L’achat de bétail dans des zones déboisées illégalement est un crime environnemental et enfreint l’accord dit « termes d’ajustement de conduite » (Termo de Ajuste de Conduta – TAC, en Portugais) signé en 2009 par le Ministère Public Fédéral (MPF) et 69 sociétés, dont JBS.

Des violations flagrantes du « Cattle Agreement »

JBS est également partie prenante du Cattle Agreement, signé en 2009 par les grands abattoirs bovins après la campagne de Greenpeace. Parmi les signataires, des géants brésiliens de l’agro-industrie comme JBS, Marfrig et Minerva, représentant à eux seuls environ 70% du secteur en Amazonie. Le Cattle Agreement a joué un rôle important pour accélérer la régularisation et la baisse de la déforestation dans les exploitations fournissant directement les abattoirs impliqués – et c’est dans ce cadre que Greenpeace et JBS travaillaient ensemble jusqu’à présent.

Par cet accord, les abattoirs et entreprises d’exportation s’engageaient à respecter des critères minimaux, dont le suivant : ne pas acheter d’animaux venant de terres issues d’une déforestation de l’Amazonie. L’objectif est simple : que les conditionneurs de viande se penchent sérieusement sur l’origine de leurs produits et sur les pratiques sociales et environnementales des fermes qui les approvisionnent.

Les pratiques illégales révélées par l’Agence brésilienne de protection de l’environnement montrent de façon flagrante que JBS n’a pas tenu ses engagements. Greenpeace continuera à dialoguer avec Minera et Mafrig, autres signataires de l’accord. Les entreprises du secteur doivent absolument respecter ces engagements : s’ils sont correctement mis en œuvre, ils permettront de lutter contre la déforestation mais aussi contre les conditions de travail proches de l’esclavage et l’invasion des territoires de communautés autochtones au Brésil.

« Savez vous d’où cette viande vient ? » Les militants de Greenpeace en action dans les supermarchés brésiliens pour sensibiliser à la contribution de la grande distribution à la destruction de la forêt amazonienne.

En mars 2016, le Groupe Pão-de-Açúcar, la plus grande chaîne de supermarchés brésilienne (possédée par le Groupe Casino) avait pris des engagements allant dans le sens du Zéro déforestation. En septembre 2016, c’était au tour du groupe Carrefour, également très présent sur le territoire brésilien, de rendre publique sa nouvelle politique d’approvisionnement en boeuf pour le Brésil. Une barrière sérieuse à la déforestation et un bon signal envoyé au secteur de l’élevage bovin.

Manque d’implication du gouvernement

Le manque d’engagements du gouvernement brésilien (qui ne cesse de reculer sur la protection des forêts) et des entreprises du pays pour créer les conditions d’une lutte efficace contre la déforestation n’a pas permis une prise en compte satisfaisante de l’élevage et de ses impacts. Ce secteur est pourtant le principal responsable de la déforestation en Amazonie.

Du bétail dans une zone déforestée de Flona do Jamanxim. L’élevage est le principal responsable de la déforestation en Amazonie : 79,5% des zones déforestées sont utilisées pour la pâture du bétail.

En 2012, le gouvernement brésilien a sapé les lois de protection des forêts, a sabré le budget dédié à la protection de l’environnement et a repoussé l’obligation pour les diverses concessions de signer le Cadastre Environnemental Rural, essentiel à cette lutte contre la déforestation. Depuis 2007, le gouvernement fédéral annonce un plus grand contrôle de la filière bovine, en particulier à l’export, avec l’adoption d’un système électronique de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement des bovins. Sans que ces annonces réitérées ne soient suivies d’effets.

Ces deux scandales impliquant l’industrie brésilienne de la viande révèlent la fragilité des systèmes de contrôle et la nécessité de les étendre sur toute la chaîne de production du bétail, avec plus de transparence ainsi qu’un accès public aux données.

Scandale après scandale, le fond du problème reste le même : l’industrialisation de la viande a des conséquences désastreuses sur l’environnement et pose des risques sanitaires qui remettent en question l’ensemble du système de production.  Il est urgent que nous réduisions cette consommation : il nous faut manger moins de viande, et mieux.