Climat

Paquet énergie-climat de la Commission européenne : un bien décevant manque d’ambition

La Commission européenne a publié aujourd’hui son très attendu paquet énergie-climat, le « programme de travail » de l’Union européenne pour lutter contre le changement climatique d’ici 2020. Le Réseau Action Climat-France (RAC-F) et ses associations membres, dont Greenpeace, regrettent que certaines des mesures proposées, notamment le futur objectif de réduction des émissions européennes en 2020, ne soient pas à la hauteur des efforts requis pour contenir le dérèglement climatique.

Un pas en arrière sur l’objectif domestique de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020
L’objectif chiffré de réduction des émissions des 27 Etats membres à l’horizon 2020 est limité à 20%, par rapport au niveau des émissions en 1990. Pourtant le dernier rapport du GIEC recommande, pour les pays industrialisés, une réduction comprise entre 25 et 40% de leurs émissions pour 2020. C’est d’ailleurs l’objectif que l’Union européenne a accepté lors de la dernière conférence des Parties au Protocole de Kyoto, qui s’est tenue à Bali en décembre 2007.

« Retenir un objectif de réduction inférieur à 30% constitue un déclin dramatique du niveau d’ambition de l’Union européenne, et ce, seulement un mois après la conférence de Bali. Cela signifie aussi que les Etats membres font fi de la science » déplore Morgane Créach du RAC-F. Du fait de leur responsabilité historique et actuelle, le RAC-F appelle l’Union européenne à réduire au minimum ses émissions de gaz à effet de serre de 30% pour 2020.

Pour la France, l’objectif proposé revient à une réduction de 17% de ses émissions de gaz à effet de serre en 2020, par rapport à 1990. C’est très en deçà de ce que la France doit fournir comme effort pour se conformer à la loi française de juillet 2005, dite loi « POPE », qui prévoit une réduction de 75% des émissions nationales d’ici 2050. Le RAC-F appelle donc la France à ne pas se contenter de l’objectif proposé par la Commission mais à exploiter le fort potentiel dont elle dispose pour atteindre une réduction d’au minimum 30% de ses émissions d’ici 2020. Il s’agit là du seul chemin crédible nous permettant de diviser par 4 les émissions françaises d’ici 2050.

Le RAC-F est par ailleurs inquiet des modalités d’atteinte de l’objectif de réduction des émissions, la Commission permettant aux Etats membres de recourir aux crédits externes (issus du Mécanisme de Développement Propre notamment) pour respecter un tiers de leur objectif chiffré. Et ce, alors que les Etats, en vertu du Protocole de Kyoto, ne doivent utiliser ces crédits qu’en supplément de leurs actions nationales. Le RAC-F appelle ainsi les Etats membres à ne recourir aux crédits externes qu’une fois leur objectif atteint c’est-à-dire en supplément de la réduction domestique de leurs émissions de 30%.

La reconnaissance de la mise aux enchères comme principal mode d’allocation des quotas de CO2
Autre élément du paquet européen, la révision de la directive établissant un marché de quotas de CO2 entre certains secteurs industriels et de l’énergie. Jusqu’à aujourd’hui, ce sont les Etats Membres qui distribuent les quotas aux installations présentes sur leur territoire. La puissance de certains lobbies au niveau national et les craintes de distorsions de la concurrence interne à l’UE ont conduit au laxisme de nombreux Etats. Le nombre trop élevé de quotas distribués a rendu le marché partiellement inefficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et la gratuité des quotas a permis à de nombreuses entreprises de réaliser d’importants profits au détriment des consommateurs.
Le RAC-F se félicite tout d’abord de la proposition de la Commission visant à harmoniser l’ensemble des règles d’allocation des quotas au niveau européen : la compétence pour allouer les quotas ne sera plus entre les mains des Etats membres. Par ailleurs, la Commission demande aux industriels de réduire leurs émissions d’environ 30% par rapport à 1990 (21% par rapport à 2005) et de mettre 100% des quotas aux enchères pour le secteur énergétique. Pour Damien Demailly du WWF « Ce sont des avancées significatives. On peut toutefois regretter que plusieurs secteurs pour lesquels la concurrence internationale n’est objectivement pas un problème – comme l’aviation – aient réussi, après un intense lobby, soutenu par certains gouvernements, à éviter une mise aux enchères de tous leurs quotas. C’est un cadeau financier pour ces secteurs, et un manque à gagner pour le soutien de politiques climatiques en Europe et dans les pays en développement ».

Répartition de l’objectif contraignant de 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020
La Commission européenne propose également une répartition de l’objectif contraignant de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’UE en 2020. Pour Raphaël Claustre du CLER, « la réalisation de l’objectif de 20% d’énergies renouvelables constitue une étape déterminante pour lutter efficacement contre le changement climatique, en s’appuyant sur des ressources énergétiques locales qui améliorent notre indépendance énergétique et l’économie des territoires. Par ailleurs, pour la première fois, une réglementation européenne va porter sur le développement des énergies renouvelables dans le secteur de la chaleur et du froid ».

Le nucléaire hors sujet
La clé de répartition actuellement proposée par la Commission européenne conduirait la France à adopter pour 2020 un objectif de 23% d’énergies renouvelables. Mais le Président de la République a déjà fait savoir à M. Barroso, par une lettre datée du 11 janvier, que la France s’opposerait à un tel objectif, au motif que son économie est peu « carbonée » par rapport à celle des autres Etats membres. Le RAC-F s’inquiète de voir la France mêler encore une fois le dossier du « nucléaire » à celui des énergies renouvelables. En effet, comme le rappelle Karine Gavand de Greenpeace, « l’énergie nucléaire ne constitue en aucun cas une solution au problème du changement climatique. Bien au contraire, l’hégémonie nucléaire est responsable du retard considérable accumulé année après année dans le développement des énergies renouvelables sur le territoire français et l’absence ambitieuse de politique d’économies d’énergie. Espérons que notre gouvernement saisisse enfin cette opportunité pour s’orienter, à l’instar de ses voisins, vers les seules solutions rentables, durables et propres pour lutter contre le changement climatique ». Le dossier de l’énergie nucléaire est du reste loin de faire consensus entre les Etats membres. La France avait failli faire capoter le paquet climat énergie en mars 2007 du fait de son obsession nucléaire.

Alors que la France s’apprête à tenir la Présidence de l’Union européenne, le RAC-F compte sur elle pour assurer un rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, un rôle au demeurant conforme aux déclarations du Président de la République à M. Barroso lors de la restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement, le 25 octobre 2007.