PPL Duplomb : une proposition de loi agricole dont on se serait bien passé
Surnommée PPL Duplomb en référence au sénateur de Haute-Laure Laurent Duplomb qui l’a initiée (Les Républicains, LR), cette proposition de loi censée “simplifier la vie des agriculteurs” est en réalité une catastrophe pour le climat, pour la biodiversité mais aussi pour la santé des consommateurs et des agriculteurs. Pro-pesticides, pro-élevages industriels et pro-mégabassines : pouvions-nous imaginer pire combo ?
Une loi pro-pesticides
Ce texte rétrograde propose tout bonnement la réintroduction de certains pesticides, et notamment la ré-autorisation des néonicotinoïdes, des insecticides connus comme “tueurs d’abeilles”. Ces produits toxiques sont en effet particulièrement dévastateurs pour les pollinisateurs, pourtant essentiels à la reproduction de nombreuses plantes et à la production de certains fruits. Promouvoir la réintroduction de certains de ces produits est une aberration et va à contre-courant des objectifs que la France s’était fixés ces dernières années.
L’utilisation massive de pesticides prônée aujourd’hui par les géants de l’agro-industrie représente une menace directe pour la biodiversité. Ces substances toxiques détruisent la terre, l’eau, l’air mais nuisent aussi gravement à notre santé.
Une loi pro-élevages industriels
L’article 3 de la proposition de loi vise quant à lui à faciliter l’installation et l’agrandissement des fermes-usines en France. Il préconise de relever les seuils des exploitations pour soumettre obligatoirement un élevage à une procédure d’autorisation. Les méga-fermes, classées ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), sont en effet soumises à des autorisations préalables car elles peuvent créer des risques de pollutions graves et des nuisances sur l’environnement (pollution au nitrate et développement des algues vertes, par exemple). Si cette loi était votée, les seuils passeraient de 40 000 à 85 000 emplacements de volailles, soit plus du double. Pire encore, les élevages bovins pourraient être potentiellement exonérés de ces procédures environnementales. Une aberration.
Cette proposition de loi Duplomb accélèrera indéniablement l’industrialisation de l’élevage en France, alors que ce système a déjà un lourd impact environnemental : il contribue à la pollution des sols et des eaux, menace la biodiversité et aggrave la chute des petites et moyennes exploitations. Il y a quelques jours encore, nous alertions dans un communiqué de presse sur des contaminations préoccupantes de l’eau de baignade dans le Finistère par des bactéries pathogènes (notamment des Escherichia coli, des salmonelles et des staphylocoques), très probablement issues de la pollution fécale des élevages industriels environnants étant donné la densité d’animaux et de lisiers sur le territoire.
Par ailleurs, le texte risque aussi de restreindre la consultation publique lors des procédures d’autorisation d’installation des fermes-usines, bafouant le droit à l’information des citoyens et citoyennes et la démocratie environnementale.
Une loi pro-mégabassines
Un autre article nous paraît particulièrement inquiétant : l’article 5,qui pourrait faciliter le développement des mégabassines qui accentuent la pression sur les ressources en eau et facilitent son accaparement au profit d’une minorité d’agriculteurs privilégiés.
Les mégabassines sont principalement utilisées pour irriguer des cultures très consommatrices d’eau, comme le maïs, destiné en grande partie à l’élevage industriel et à l’exportation. Ces réserves géantes profitent à une minorité d’acteurs agro-industriels qui accaparent l’eau pour des pratiques industrielles délétères au détriment de l’intérêt général et des alternatives locales et paysannes.
Un loi portée par la droite conservatrice et la FNSEA, qui sert les intérêts des géants de l’agro-industrie
Cette loi a été portée par le sénateur conservateur Laurent Duplomb qui n’est autre que l’ancien président FNSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, actuel président régional du groupe laitier Sodiaal et membre du conseil de surveillance de la marque Candia. Par ailleurs, cette loi reprend tout simplement les propositions clés de la FNSEA qui encouragent le maintien et le développement d’une agriculture industrielle destructrice. Bref, un cadeau doré à l’agro-industrie.
PPL Duplomb : un soutien pour les agriculteurs et les agricultrices, vraiment ?
Les agriculteurs et les agricultrices sont les premières victimes du dérèglement climatique et les premiers exposés à l’utilisation massive d’intrants chimiques. Cette proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur est en réalité un cadeau empoisonné pour les personnes qui nous nourrissent.
Agriculture et dérèglement climatique
Sécheresses prolongées, vagues de chaleur, inondations, épisodes de gel : ce sont autant d’évènements qui perturbent fortement les récoltes et compromettent la santé du bétail. Ces phénomènes entraînent une diminution des rendements et une augmentation des coûts pour s’adapter, accentuant ainsi la fragilité économique des exploitations agricoles. Encourager l’utilisation de pesticides ou le développement de fermes-usines polluantes qui perturbent l’environnement et accélèrent le dérèglement climatique est un non sens. D’ailleurs, tous les paysans et paysannes ne sont pas en faveur de cette loi, loin de là !
Témoignage de Florent, paysan et sinistré climatique, fermement opposé à la PPL Duplomb :
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Découvrez aussi dans cette vidéo le témoignage de Catherine, arboricultrice et apicultrice, qui explique pourquoi la proposition de loi Duplomb serait catastrophique pour son métier.
Expositions massives aux pesticides
En encourageant l’utilisation de pesticides, alors que des alternatives existent, le gouvernement menace gravement la santé des agriculteurs et des agricultrices.
Un passage en force qui restera dans l’histoire de la 5ème République
Mardi 27 mai, le projet de loi Duplomb devait commencer son examen à l’Assemblée nationale. Malheureusement, pour échapper au débat parlementaire, des député·es allant de la droite au Rassemblement national ont voté une motion de rejet. Le texte passe donc directement en commission mixte paritaire, sans débat et sans possibilité d’amendement par l’hémicycle. Ce coup de force anti-démocratique et anti-écologique est inacceptable. Ces député·es évitent de nombreux échanges sur le texte qui auraient peut-être fait vaciller certains membres de leurs camps en défaveur de cette loi. Aussi, sauter l’étape de l’Assemblée nationale permet d’invisibiliser le sujet des pesticides, de l’élevage industriel et des mégabassines dans le débat public. Cette loi passe alors catimini et de manière expéditive et permet d’éviter trop d’oppositions de la société civile qui se s’est largement opposée aux mesures de ce texte.
Avec cette motion de rejet, les député·es mettent aussi sous le tapis la contestation citoyenne : près de 150 000 citoyen·nes se sont en effet opposés à cette loi.
Comment agir ?
Greenpeace et la société civile ne se résigneront pas. Nous allons continuer à suivre de près cette proposition de loi et notamment le vote final, qui interviendra après les commissions mixtes paritaires et pour lequel la mobilisation sera essentielle. Nous ne manquerons pas d’actualiser cette page pour vous proposer d’autres formes d’engagements concrets pour refuser l’adoption de cette loi rétrograde.
En attendant, vous pouvez :
- Continuer d’interpeller les député·es pour faire entendre votre voix :
- Signer la demande de moratoire contre les mégabassines :
- Signer notre pétition contre le développement et l’agrandissement des fermes-usines en France :
Crédit photo © Jean-Luc Bertini / Greenpeace