Hiroshima, Nagasaki : où en est-on 72 ans après ?

Septembre 1971. Les États-Unis mènent des essais nucléaires sur l’île d’Amchitka, au large de l’Alaska. Une dizaine de militants pacifistes décident de s’opposer à cette folie nucléaire. Ils affrètent un bateau et se rendent sur place. Greenpeace était née.

Près de 50 ans plus tard, en juillet 2017, les Nations unies adoptent enfin un traité visant à bannir les armes nucléaires. Ce texte interdit de mettre au point, de tester, de fabriquer, de posséder et d’utiliser des armes nucléaires, mais aussi de menacer d’en faire usage. Il sera ouvert à la ratification des États à partir du 20 septembre.

Pont du Rainbow Warrior II, novembre 2007. © Greenpeace / Paul Hilton

Boycott surprenant du Japon…

À notre grande consternation, le Japon, seul pays à avoir subi une attaque nucléaire, a boudé les négociations onusiennes. Pourtant, le texte dénonce explicitement les « les souffrances et les dommages inacceptables subis par les victimes de l’emploi d’armes nucléaires (hibakushas) et par les personnes touchées par les essais d’armes nucléaires ».

Le gouvernement japonais s’est justifié en affirmant craindre qu’une « fracture plus profonde » ne se crée entre les États qui n’ont pas l’arme nucléaire et ceux qui la possèdent, et qui ont tous refusé de prendre part au processus. Depuis la Guerre froide face à la Russie, le Japon est sous le « parapluie nucléaire américain », et le fait qu’il bénéficie de cette « protection dissuasive » serait en contradiction avec un traité qui interdit de brandir la menace des armes nucléaires. Cette realpolitik est d’autant plus tenace que la Corée du Nord voisine procède à de nouveaux tests de missiles.

Et pourtant…

La flottille de la paix manifeste contre la présence du navire nucléaire américain USS Midway à Yokosuka, au Japon.
Avril 1991. © Greenpeace / Naoko Funahashi

Boycott moins surprenant des États nucléarisés

Ce texte « méprise les réalités de l’environnement sécuritaire international », ont déclaré dans un texte commun les États possédant l’arme atomique, dont la France. Il y a quelques mois, Emmanuel Macron rappelait son attachement à la dissuasion nucléaire. Ce jeune président, qui prétend incarner le renouveau de la politique, va à contre-courant de l’histoire et se fait ici le défenseur d’un monde ancien et dépassé.

Rappelons qu’entre 300 et 450 kilos de plutonium (provenant du combustible usé des centrales françaises) sont transportés chaque semaine sur les routes de France entre les usines de La Hague et de Marcoule pour y être « retraités », et que seuls quatre à huit kilos de plutonium suffisent pour fabriquer une bombe atomique. Que se passerait-il si ce plutonium tombait entre des mains malintentionnées ? Drôle de conception de la « dissuasion nucléaire » que celle de la France.

Dans le port de Cherbourg, Greenpeace manifeste contre le transport de 1,8 tonne de plutonium vers le Japon. Mars 2009.
© Greenpeace / Pierre Gleizes

« Il ne fait aucun doute que ce traité peut et doit changer le monde »
Déclaration de Setsuko Thurlow, survivante d'Hiroshima, devant les délégués de l'ONU, juillet 2017.

L’adoption de ce traité historique représente cependant une victoire de haute lutte pour les hibakushas (terme japonais désignant les survivants des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki). Il est une reconnaissance de leur témoignage. Et l’écrasante majorité qui a voté en sa faveur (122 pays sur 192)  « met au ban » la possession de ces armes et leurs détenteurs.

Bien entendu, ce traité ne permettra pas à lui seul de faire disparaître du jour au lendemain les armes nucléaires. Cependant, il constitue une avancée historique car il reflète la prise de conscience de la communauté internationale de la nécessité de désarmer.

En ce triste anniversaire, nous affichons notre solidarité avec les survivant-e-s de ces deux bombardements, avec toutes les autres victimes du nucléaire, de Rongelap au Niger en passant par la Polynésie et l’Algérie, et avec toutes celles et tous ceux qui, dans le monde entier, militent pacifiquement et sans relâche contre le poison du nucléaire sous toutes ses formes. Greenpeace fait campagne pour la fin du nucléaire militaire et civil depuis ses débuts en 1971. Ce traité est une lueur d’espoir qui nous montre que nos combats d’aujourd’hui peuvent devenir les normes internationales de demain.