Total condamnée pour greenwashing : un précédent juridique majeur contre la désinformation climatique des majors pétrolières

Énergies, Pétrole, gaz et charbon

Paris, le 23 octobre 2025

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu aujourd’hui une décision historique, première mondiale : il condamne TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses en raison de ses allégations mensongères affirmant son « ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 » et « être un acteur majeur de la transition énergétique ».

Cette décision historique fait suite à l’action en justice initiée en 2022 par Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de ClientEarth. Elle dénonce la campagne de communication de la major autour de son changement de nom de Total à TotalEnergies en 2021.

Cette victoire marque un tournant pour la protection des consommateurs, la préservation du climat et la lutte contre les pratiques de greenwashing. C’est la première fois à travers le monde qu’une major pétro-gazière est condamnée par la justice pour avoir trompé le public en verdissant son image au sujet de sa contribution à la lutte contre le changement climatique.

Le tribunal juge que Total a « commis des pratiques commerciales trompeuses en diffusant, à partir du site www.totalenergies.fr, des messages reposant sur les allégations portant sur leur « ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 » et « d’être un acteur majeur de la transition énergétique » de nature à induire en erreur le consommateur, sur la portée des engagements environnementaux du Groupe. »

Par conséquent le tribunal ordonne à TotalEnergies et TotalEnergies Electricité et Gaz France :

  • de cesser leur allégations mensongères[1] dans le délai d’un mois, sous peine d’astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard ;
  • de publier la décision de justice sur la page d’accueil de leur site internet www.totalenergies.fr de façon visible pendant 180 jours.

Les associations saluent cette décision, à la hauteur de la gravité des dommages climatiques causés par ce géant pétro-gazier. Cette victoire consacre trois ans de combat judiciaire et la détermination des associations à faire reconnaître la responsabilité de TotalEnergies dans la désinformation climatique.

Les associations regrettent néanmoins que le tribunal ait rejeté leurs demandes concernant le gaz et les agrocarburants, car il a considéré que les communications visées n’étaient pas « en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture des énergies de la société TotalEnergies aux consommateurs ». Le tribunal ne s’est cependant pas prononcé sur le contenu de ces communications.

Pour Justine Ripoll, responsable des campagnes chez Notre Affaire à Tous : « En reconnaissant que la communication de Total trompe les consommateurs, la justice française s’attaque enfin à l’impunité du greenwashing fossile dont Total bénéficiait jusque-là. Elle envoie un message clair : la désinformation climatique n’est pas une stratégie commerciale acceptable. Les citoyens ont droit à une information honnête et les entreprises fossiles doivent rendre des comptes sur la réalité de leurs activités. »

Pour Edina Ifticene, responsable de campagne chez Greenpeace France : « Avec plus de 97% de sa production d’énergie issue des hydrocarbures et près de 80% de ses investissements toujours orientés vers les énergies fossiles, Total continue d’aggraver la crise climatique, tout en prétendant contribuer à sa résolution. La décision historique du tribunal interdit enfin à la multinationale de dissimuler les dégâts qu’elle cause derrière des artifices de communication verte.[2] »

Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France : « Nous espérons que la décision du tribunal aidera à faire la lumière sur la réalité des activités de Total, qui continue son expansion pétrogazière sur tous les continents, et en particulier en Afrique, au prix de graves violations des droits humains, et de dommages environnementaux et climatiques irréversibles. La multinationale s’entête notamment à vouloir relancer son méga projet gazier Mozambique LNG, malgré un contexte sécuritaire et humanitaire alarmant. A lui seul, ce projet contribuerait à produire entre 3,3 et 4,5 milliards de tonnes d’équivalent CO₂. Il est temps de contraindre Total et les autres majors à se conformer aux recommandations des scientifiques pour en finir avec le développement de nouveaux projets fossiles. »

Cette décision s’inscrit dans un contexte international où de plus en plus d’entreprises, notamment pétrolières, sont mises en cause pour des pratiques similaires.

Enfin, à l’approche de la COP30, cette décision envoie un signal fort à l’ensemble de l’industrie fossile. La justice française vient aujourd’hui d’ouvrir la voie à d’autres actions similaires en Europe et dans le monde. Avec ce précédent majeur, c’est la stratégie globale de dissimulation des responsabilités climatiques des puissants groupes pétro-gaziers qui est en question. Faire reculer la désinformation climatique qu’ils orchestrent, c’est faire un grand pas en faveur de la transition énergétique.


Notes aux rédactions :

[1] Liste des allégations visées :
– « Notre ambition est d’être un acteur majeur de la transition énergétique tout en continuant à répondre aux besoins en énergie des populations”.
– « Nous plaçons le développement durable au cœur de notre stratégie, de nos projets et de nos opérations pour contribuer au bien-être des populations, en ligne avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Nations-Unies. »
– « Nous plaçons le développement durable au cœur de notre stratégie, de nos projets et de nos opérations pour contribuer au bien-être des populations, en ligne avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Nations-Unies. »
« Plus d’énergies, moins d’émissions: c’est le double défi que nous devons relever aux côtés de nos parties prenantes afin de contribuer au développement durable de la planète et faire face au défi climatique.Nous avons pour ambition de contribuer à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ensemble avec la société […] En proposant à nos clients des produits énergétiques de moins en moins carbonés ».
[2] Voir les paragraphes 130 à 132 du jugement.