COP23 : Emmanuel Macron manque le rendez-vous

La France hors sol à la COP23

Au sortir de la COP23, la crédibilité de la France est entachée sur la scène internationale de la lutte contre les dérèglements climatiques. En recyclant des annonces très largement insuffisantes, Emmanuel Macron n’a pas été à la hauteur des enjeux discutés lors de cette COP Pacifique.

La loi hydrocarbures dont se targue le président français renvoie finalement la fin de l’extraction de pétrole en France au-delà de 2040 et sa portée a été largement réduite lors du processus législatif, par le gouvernement lui-même. De plus, au regard de la baisse des émissions de gaz à effet de serre, cette loi n’aura que trop peu d’impact, puisque la France importe 99 % des énergies fossiles qu’elle consomme.

La fermeture des quatre centrales à charbon françaises, vantée par le gouvernement pendant la COP, n’aura elle aussi qu’un impact limité, ces centrales représentant seulement 1,4% des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire français.

La France doit montrer une réelle volonté politique et agir sur les secteurs les plus émetteurs tels que l’agriculture et les transports. Elle doit aussi aborder une approche rationnelle de sa transition énergétique : aujourd’hui, l’obsession nucléaire ne sert en rien le climat. Le nucléaire bloque le déploiement des énergies renouvelables en France, comme en Europe. Et au final, ce blocage de l’essor des énergies renouvelables contribue au maintien du charbon européen et particulièrement en Allemagne.

Des négociations qui avancent… trop doucement

Les militants de Greenpeace pendant la Marche pour le Climat, à Bonn, le 4 novembre.

Le rythme des négociations climatiques internationales reste beaucoup trop lent au regard de l’urgence climatique et on attend encore le sursaut politique collectif pourtant indispensable pour faire plus, plus rapidement et dès avant 2020, et ainsi rester en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris. Les négociations ont certes permis de poser les bases d’un dialogue pour espérer gagner plus d’ambition en 2018 (le “dialogue de facilitation” ou “dialogue de Talanoha”, premier moment de bilan collectif de l’action climatique), mais les Etats n’ont toujours pas mis sur la table l’énergie politique nécessaire pour rehausser les engagements.

Les grands émetteurs de gaz à effet de serre, dont l’Union européenne, manquent toujours cruellement d’ambition politique et les actes ne sont pas suffisants pour rectifier le tir bien avant 2020. Les pays n’ont plus le choix et doivent cesser de se cacher derrière des postures de négociation et accélérer la transition vers un futur 100 % renouvelable.

Tout comme la France, l’Allemagne, la Chine et les autres Etats doivent faire preuve de leadership et rehausser leurs ambitions climatiques. S’accrocher au charbon ou au nucléaire et parader en tant que champions internationaux du climat sans accélérer la transition énergétique au niveau national relève tout simplement de la mauvaise foi.

Par ailleurs, les pays riches ont raté une occasion de démontrer leur solidarité envers les populations les plus pauvres et leur engagement à respecter l’objectif de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour la lutte contre les changements climatiques. Sur ce point aussi, cette COP du Pacifique, pourtant présidée par un petit État insulaire, se termine sur un goût amer.

Un premier petit pas sur l’agriculture à la COP23

Photo de la Marche pour le Climat de Bonn qui a eu lieu au moment de l’ouverture de la COP23, le 4 novembre. Sur la pancarte de cette militante, on peut lire “Crise climatique = crise alimentaire.”

Cela faisait des années que les pays, dans le cadre des négociations climatiques, discutaient de la possibilité d’aborder les questions pourtant centrales de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Les pays en développement insistaient légitimement sur l’attention à accorder à l’adaptation des petites agricultures familiales particulièrement vulnérables aux conséquences du changement climatique. Quant aux pays industrialisés, ils ne voulaient au contraire pas trop se concentrer sur ce sujet (et à ses implications en termes de soutien financier aux pays les plus vulnérables) et ne voulaient surtout pas avoir à remettre en cause le modèle agro-industriel dominant. En bref, les pays présents autour de la table ne parlaient de rien (sauf de savoir s’ils devaient en parler…).

La COP23 a permis aux pays de s’entendre sur le lancement d’un processus de travail sur ces enjeux. Pendant trois ans, ils vont donc échanger et débattre, dans cet espace politique international sur le climat, sur les questions de sécurité alimentaire, de séquestration du carbone dans les sols, d’adaptation de l’agriculture aux effets du changement climatique, ou encore d’élevage – avec l’objectif, sur le papier, d’arriver à des recommandations pour une cohérence entre action climatique et développement d’une agriculture soutenable.

A Berlin, plus de 200 membres de la coalition d’ONG pour en finir avec le glyphosate forment une bannière humaine.

Parler climat sans parler de modèle agricole et d’élevage est de fait un non-sens puisque l’élevage représente au moins 14% des émissions de GES à l’échelle mondiale. Il est donc indispensable d’agir pour réduire et transformer la production et la consommation de viande et produits laitiers.

Et la France dans tout ça ? Il est intéressant de noter que si Emmanuel Macron avait omis de parler climat dans son discours de clôture de la première phase des États généraux de l’alimentation, il n’a également pas parlé agriculture dans son discours à la tribune de la convention climat. Pour un supposé leader climatique international, là encore, on peut mieux faire.