Climat, emplois, sécurité : Total greenwashing à Grandpuits

La sécurité du site de Grandpuits mise en cause

Les salariés de la raffinerie de Grandpuits reprochent notamment à la direction de Total de mettre en péril la sécurité de ce site avec son « Plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE). Dans le cadre d’un plan de transformation du site de Grandpuits en plateforme « zéro pétrole » (en réalité une vaste opération de greenwashing et casse sociale), Total prévoit, via ce PSE, de réduire les effectifs d’intervention incendie et secours, limitant les capacités des opérateurs à agir en cas de sinistre.

La multinationale envisage d’accueillir sur le site de Grandpuits de nouvelles activités, de nouveaux procédés et de nouvelles substances : autant de risques d’incendie, d’explosion ou de fuites démultipliés sur un site qui reste classé Seveso « seuil haut », à proximité de l’usine chimique Borealis, petite sœur d’AZF. Malgré cela, la direction de Total n’a pas fourni d’analyse des risques chimiques, industriels et biologiques liés à ces nouvelles activités, ce que dénoncent les salariés.

En mai 2021, des représentants du personnel de Total et de la raffinerie de Grandpuits ont décidé d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre du groupe, réclamant l’annulation de son plan de sauvegarde de l’emploi. Leur recours a été rejeté le 10 janvier par la Cour administrative d’appel de Paris, mais la lutte pour préserver les emplois et la sécurité des salariés et mettre en œuvre une transition vraiment écologique sur le site de la raffinerie continue.

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France : « Si on souhaite dépasser le stade des énergies fossiles, si on souhaite réinventer des sociétés qui soient moins dépendantes des énergies fossiles, on ne pourra pas le faire sans les salariés de ce secteur. » © Basile Mesré-Barjon / Plus jamais ça

Une reconversion « zéro pétrole »… 100% greenwashing

Officiellement, Total affirme défendre un projet ambitieux de reconversion de la raffinerie de Grandpuits, pour en faire une plateforme « zéro pétrole ». Sur le papier, ça ferait presque rêver… Mais la réalité est beaucoup plus sombre.

Si Total a décidé d’abandonner ses activités pétrolières sur le site de Grandpuits, c’est avant tout pour ne pas avoir à payer les réparations du Pipeline d’Ile-de-France (PLIF), qui alimente la raffinerie depuis le port du Havre. Faute d’une maintenance suffisante, celui-ci collectionne les incidents depuis 2014, jusqu’à une fuite majeure en février 2019 qui a causé des dégâts considérables dans les environs. Total a donc décidé de sortir du chapeau un beau plan de reconversion « zéro pétrole »… Sans pour autant renoncer à ses activités pétrolières aussi lucratives que climaticides : le raffinage sera tout simplement réalisé ailleurs, dans d’autres raffineries que le groupe possède à travers le monde.

Le site de Grandpuits ne sera donc plus dédié au raffinage du pétrole, mais une bonne partie des activités que Total souhaite y développer lui permettront, ni vu ni connu, de continuer à écouler son pétrole sous diverses formes ou de se lancer dans des nouveaux business loin d’être respectueux de l’environnement : agrocarburants (certes produits à partir de matières organiques, mais très néfastes pour le climat), plastiques recyclés (qui incorporent des polymères vierges à base de… pétrole), bioplastiques (qui contribuent à la monoculture intensive, notamment de betteraves sucrières, au détriment de l’environnement)… La brochure sur papier glacé du plan de reconversion de Total sent furieusement le greenwashing et dissimule des nouvelles atteintes à l’environnement.*

© Basile Mesré-Barjon / Plus jamais ça

Un même combat pour une transition juste

Voir des militantes et militants écologistes afficher leur soutien à des raffineurs peut sembler surprenant. Nous étions déjà à leurs côtés l’hiver dernier, lors de mobilisations sur le site de Grandpuits et devant le siège de Total à la Défense.

Nous sommes encore une fois réuni·es pour dénoncer les mêmes mécaniques à l’œuvre : des manœuvres de Total qui détruisent à la fois l’environnement et les emplois, sans considération pour celles et ceux qui en subissent directement les conséquences. C’est une réalité en France mais aussi sur d’autres continents : tout en tentant de faire croire à une nouvelle stratégie « zéro pétrole » à Grandpuits, Total poursuit la construction du plus grand oléoduc chauffé au monde à travers plusieurs pays d’Afrique, en détruisant des centaines d’hectares de réserve naturelle et en procédant à des déplacements forcés de population.

Nous sommes évidemment favorables à ce que Grandpuits et d’autres raffineries deviennent des sites réellement « zéro pétrole », en s’appuyant sur les compétences, le savoir-faire et les initiatives des salariés concernés. Pas en déplaçant les activités climaticides ailleurs et en développant d’autres activités néfastes, au mépris des salariés et de l’environnement. Avec les syndicats et associations membres du collectif Plus jamais ça, nous continuons donc à dénoncer les injustices et les inégalités, tout en avançant des propositions socialement et environnementalement justes. C’est le sens de notre action aux côtés des salariés de Grandpuits.


Pour renforcer leurs actions et refléter leurs préoccupations sociales et environnementales, les organisations et syndicats à l’initiative du collectif Plus jamais ça !, dont Greenpeace France, ont décidé de renommer ce collectif, désormais baptisé PJC – Alliance écologique et sociale. Cette alliance regroupe les organisations et syndicats suivants : Amis de la Terre, Attac, CGT, Confédération paysanne, FSU, Oxfam France, Solidaires et Greenpeace France, ainsi que d’autres nombreuses organisations qui ont rejoint le mouvement. Plus d’informations sur www.alliance-ecologique-sociale.org

Photos : © Basile Mesré-Barjon / Plus jamais ça