Climat

Révision du bonus-malus : ce n’est qu’une partie de la solution

 

Le débat de la semaine : le gouvernement français aurait l’intention d’abaisser le seuil de déclenchement du bonus écologique sur les émissions de CO2 des voitures neuves, qui coûterait trop cher à l’État… Le déséquilibre entre recettes des malus et dépenses des bonus se chiffrerait à 140 millions d’euros, dixit le ministère des Finances.

Lancé au début de l’année, ce dispositif, application de l’un des engagements majeurs du Grenelle de l’environnement en matière de lutte contre les changements climatiques, prévoit jusqu’à présent de faire bénéficier d’un bonus les véhicules qui émettent moins de 130 g CO2/km, et d’infliger un malus à ceux qui rejettent plus de 160 g CO2/km. Aujourd’hui, il serait question d’abaisser le seuil du bonus à 125 g CO2/km. Par ailleurs, le malus serait annualisé pour les voitures émettant plus de 250 g de CO2/km – le montant de ce forfait annuel serait de l’ordre de 260 €, soit 10 % du malus acquitté à l’achat.

« Nous accueillons plutôt favorablement l’abaissement de la norme d’application du bonus, car on se rapproche de 120 g de CO2/km, commente Anne Valette, en charge de la campagne Climat à Greenpeace France. Mais ceci est très incomplet. Rappelons que depuis le Grenelle, nous demandons un bonus à 120 g de CO2/km et un malus annualisé à partir de 140 g, ce qui laisse dans une zone neutre les véhicules émettant entre 120 et 140 g, c’est-à-dire ceux qui sont classé C sur l’étiquette énergétique. »

Conscient des impératifs budgétaires de la France, Greenpeace tient à la disposition du ministre du Budget Éric Woerth d’autres propositions qui garantiraient à la fois l’équilibre budgétaire et l’efficacité environnementale du système du bonus-malus :

– baisser le seuil du malus à 140 g dès aujourd’hui, et ensuite baisser ce seuil de 5 g tous les deux ans ;

– annualiser le malus pour tous les véhicules, et pas seulement celui infligé aux voitures qui rejettent plus de 250 g et qui ne représentent qu’1 % des ventes ;

– augmenter chaque année le montant des malus.

« L’urgence climatique et la défense du pouvoir d’achat des Français commandent qu’on fasse le maximum pour les aider à acquérir des véhicules qui émettent le moins de CO2 et consomment le moins de carburant possible, reprend Anne Valette. Les 140 millions d’euros évoqués par le ministère doivent être mis en perspective avec les 50 milliards d’euros, montant estimé de la facture énergétique de la France pour 2008, principalement lié aux importations pétrolières. » Par ailleurs, si le ministre du Budget cherche où trouver de l’argent, Greenpeace peut aussi lui procurer une liste de subventions publiques qui contribuent à la dégradation de l’environnement et que l’on pourrait supprimer – à commencer par les 3 milliards d’euros que la France compte allouer aux agrocarburants d’ici à 2010.

Plus globalement, Greenpeace estime qu’un système de bonus/malus peut constituer un outil efficace. C’est le cas pour les voitures : on voit déjà le réorientation du marché français en faveur des véhicules les moins gourmands. Mais ce type de dispositif ne peut se suffire à lui-même et doit venir en complément d’une législation imposant des standards contraignants aux industriels. « Avec le système du bonus-malus, on s’adresse, une fois de plus, aux consommateurs… Mais ces derniers subissent en partie un marché, une offre que leur proposent des industriels, conclut Anne Valette. Aujourd’hui, ce sont aux constructeurs et aux fabricants qu’il faut imposer de prendre leur responsabilité. Ils ont les moyens de fabriquer des produits moins énergivores, qui répondent à la fois aux enjeux de lutte contre les changements climatiques, de défense du pouvoir d’achat des ménages, de la sécurité énergétique du pays. »

Concernant spécifiquement les émissions de CO2 des véhicules particuliers et les négociations qui se déroulent actuellement à ce sujet au niveau de l’Union européenne, la France, qui préside l’UE jusqu’à la fin de l’année, doit se montrer cohérente et défendre une limite moyenne des émissions de 120 g de CO2/km dès 2012, un objectif ambitieux pour 2020 et des pénalités immédiatement dissuasives, sans lesquelles les constructeurs ne respecteront pas les nouvelles normes.