Réduire l’usage des pesticides, c’est bien. Changer de modèle agricole, c’est mieux !

Mise à jour du 5 février 2015 : avec seulement 64 voix pour et 248 contre, le Sénat a rejeté la proposition de résolution de Joël Labbé pour un moratoire européen sur les néonicotinoïdes.


Initié en 2008 lors du Grenelle de l’environnement, l’objectif du plan Ecophyto était de réduire de 50% l’usage des pesticides d’ici 2018. Très vite, cet objectif a été abandonné, le plan n’ayant pas bénéficié des moyens nécessaires à sa mise en œuvre.
Conséquences : non seulement l’objectif est loin d’être atteint, mais à cela s’ajoute une augmentation de l’usage des pesticides de 5% entre 2009 et 2013 et 9,2% entre 2012 et 2013 !

La France reste donc tristement sur la troisième place du podium mondial des plus gros consommateurs de pesticides, alors que les impacts environnementaux ne sont plus à démontrer.

Au revoir Ecophyto2018. Bonjour Ecophyto2020… puis 2025 !

L’échec ayant été cuisant sur l’objectif de réduction de 50% des pesticides d’ici 2018, Stéphane Le Foll a présenté ce jour Ecophyto2.
Concrètement, sur les recommandations du député Dominique Potier, le Ministre de l’agriculture maintient l’objectif d’une réduction des pesticides de 50 % en France, mais reporte l’échéance de 2018 à 2025, avec un pallier intermédiaire à 25% en 2020. Malgré ce report, les moyens ne sont pas à la hauteur des objectifs.

Ces annonces vont dans le bon sens mais sont encore trop faibles pour faire changer les pratiques !
Aujourd’hui, de trop nombreux agriculteurs mettent des pesticides dans leurs champs à titre préventif même si leurs cultures ne sont pas menacées par des insectes nuisibles. Tant que l’usage des pesticides représente une « assurance-récolte » pour les agriculteurs et coûte moins à court terme que les solutions alternatives, les agriculteurs ne pourront pas s’en passer. En ce sens, toute démarche visant à dissuader d’avoir recours aux pesticides est utile. Les intérêts économiques des fabricants de pesticides constituent un frein énorme à la baisse de l’usage des pesticides et donc au changement de modèle agricole, aux changements de pratiques.

« Les changements semblent impossibles au début et inévitables à la fin »

Une étude de l’INRA publiée peu de temps après l’annonce du premier plan Ecophyto montre qu’améliorer et optimiser les pratiques existantes permet de réduire l’usage des pesticides mais reste loin d’être suffisant pour atteindre une réduction de 50%. Pour cela, il est nécessaire de passer par des changements profonds et par une nouvelle conception des systèmes de production.

Ce qu’il faut, ce sont des décisions fortes et immédiates, comme la proposition de résolution portée par le sénateur Joël Labbé demandant à la France d’agir pour un moratoire européen sur les néonicotinoïdes. Les néonicotinoïdes sont incompatibles avec une agriculture écologique, le seul modèle viable à long terme. Il serait totalement incohérent d’engager un plan de réduction massif de l’usage des pesticides et faire de la France un leader de l’agro-écologie sans interdire complètement l’usage des néonicotinoïdes, dont les ravages ne sont plus à prouver.

L’usage de certains néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) a été restreint pour certaines cultures (maïs, colza, tournesol et coton) suite au constat irréfutable de leurs impacts dévastateurs. Peu ambitieux…
Par ailleurs, ce moratoire reste juridiquement fragile et a été attaqué par les fabricants des pesticides Bayer et Syngenta. En effet, les néonicotinoïdes sont liés à des intérêts économiques énormes. Les trois molécules faisant l’objet d’une interdiction figurent parmi les insecticides les plus vendus au monde, et représentent 85 % du marché des néonicotinoïdes, qui pesait 2,3 milliards de dollars en 2009.
En parallèle, il est bien entendu impératif de promouvoir les alternatives. Or, l’interdiction oblige de fait à trouver et mettre en œuvre des alternatives et généralise les changements de pratiques permettant des économies d’échelle.

Dans un récent sondage BVA, 45% des exploitants interrogés déclarent se sentir engagés dans une démarche agro-écologique et 13% envisagent de s’engager. La France doit soutenir un développement agricole dans les territoires qui permettent de mettre en place des solutions alternatives.