Exploitation forestière en RDC : un chaos organisé !

Dans son nouveau rapport, Greenpeace Afrique porte au grand jour un nombre important de dérives scandaleuses dont le secteur forestier fait l’objet en République démocratique du Congo (RDC), avec l’assentiment des autorités locales et la complicité active des pays importateurs de bois, dont la France.

Une société prédatrice : COTREFOR

Une entreprise en particulier symbolise ce pillage organisé : COTREFOR – une société congolaise à capitaux libanais. Greenpeace Afrique a en effet pu constater plusieurs irrégularités graves dans les activités de COTREFOR en RDC : non-respect des autorisations de coupe, récolte excessive d’essences rares (comme l’Afrormosia), illégalité de certains titres d’exploitation, non paiement des taxes dues…

Dans le même temps, COTREFOR ne respecte pas ses engagements : les infrastructures (écoles…) que l’entreprise devait construire restent à ce jour inachevées. De telle sorte que les populations locales ne profitent donc jamais des gains réalisés par COTREFOR, qui pille ainsi une ressource naturelle précieuse sans contribuer au bien public.

Grumes de bois suspectes en RDC

Chaos organisé

Ces impérities ne seraient pas possibles sans la complicité active du gouvernement congolais et une défaillance générale des institutions publiques. D’après les investigations de Greenpeace Afrique, un système de pots de vins (notamment vers les contrôleurs forestiers) bien organisé semble dissuader les responsables en place d’appliquer correctement la loi. Rappelons à ce titre que la RDC arrive au 154e rang sur 175 pays au classement de l’indice de perception de la corruption 2014 établi par Transparency International.

L’industrie forestière en RDC présente ainsi un manque patent de transparence : contrats d’exploitation forestière qui ne sont pas rendus publics ou plusieurs années après leur signature, absence de données officielles fiables sur les permis, la production et les exportations… Ce faisant, c’est toute la traçabilité du bois congolais qui est rendue largement impossible et qui permet à COTREFOR d’exporter son bois illégal en toute impunité.

Violation des droits des travailleurs

Ce n’est pas tout. Pour son business, COTREFOR n’hésite pas à violer les droits des travailleurs, qu’il s’agisse des simples règles de sécurité ou des normes sociales et juridiques internationales.

Greenpeace Afrique a en effet pu constater sur le terrain que lors de ses « campagnes » d’abattage, les employés sont envoyés en forêt pendant six jours consécutifs dans des conditions inhumaines : ils n’ont à leur disposition qu’une simple bâche pour se protéger de la pluie, du froid, des serpents, des moustiques et autres insectes. Et la société ne fournit même pas de nourriture à ses employés, les contraignant ainsi au braconnage. Quant aux campements, ils ne respectent évidemment aucune norme d’hygiène élémentaire, au détriment de la sécurité des employés.

Un immense gâchis écologique

Au total, c’est un immense gâchis écologique qui se déroule en RDC. Greenpeace Afrique a en effet découvert de nombreux arbres coupés (grumes) en état d’abandon dans les concessions de COTREFOR. Outre que cette pratique gaspille inutilement des ressources naturelles et financières (autant de taxes non-collectées sur l’abattage), elle contribue aussi à abîmer le reste de la forêt.

Les activités de COTREFOR menacent également de nombreuses espèces naturelles, au premier rang desquels les Bonobos. Ces derniers voient non-seulement leur habitat se réduire, mais ils doivent aussi affronter le braconnage des employés contraints de les chasser pour se nourrir.

Des Bonobos au Congo

La complicité coupable des pays importateurs, dont la France

Le business de COTREFOR ne pourrait avoir lieu sans la complicité des États importateurs de bois qui, faute de volonté politique, alimentent un commerce international illégal. Notamment la France, dont Greenpeace France ne cesse de dénoncer le laxisme en matière de contrôle. Déjà au mois de mars 2015, nous organisions une action devant le Ministère de l’Écologie avec une grume de bois suspecte, achetée dans un port français et produite par COTREFOR. Depuis, le ministère a décidé de former des contrôleurs ; nous attendons les premiers contrôles.

La France n’est pas seule dans ce trafic toléré : les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal, l’Allemagne ou l’Espagne sont également complices.

Restons mobilisés !

Il est aujourd’hui urgent de stopper ce chaos. Pour cela, nous devons maintenir la pression sur le gouvernement français et les instances internationales : ils doivent ouvrir immédiatement des enquêtes sur les entreprises qui commercialisent des produits issus des forêts de la RDC, et faire appliquer les conventions internationales sur les droits humains, le droit du travail, la CITES, la loi Lacey Act aux États-Unis et le Règlement sur le bois de l’Union européenne.

Il faut aussi maintenir la pression sur le gouvernement de la République démocratique du Congo, qui doit répondre aux recommandations de Greenpeace présentées dans ce rapport.

Nous restons vigilants.