SNBC : la France publie enfin son plan d’action... mais sans les moyens pour y arriver

Agriculture, Climat, Énergies, Transports

Le gouvernement publie enfin aujourd’hui la troisième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) pour consultation publique. Face aux grands discours du gouvernement, Greenpeace France s’interroge sur la faisabilité de cette feuille de route et souligne les retards et contradictions de la France.

Se fixer des objectifs est primordial, et la publication de cette SNBC était attendue. Mais derrière certains objectifs qui pourraient sembler ambitieux, bien qu’insuffisants, la réalité de la trajectoire de la France laisse craindre des ambitions de façade. Depuis des années, la France ne respecte pas ses objectifs climatiques ; Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs ne se sont jamais saisis sérieusement de l’urgence climatique et sociale , et se sont même placés dans l’illégalité”, rappelle Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique pour Greenpeace France.

En 2024, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de seulement 1,8 %, un chiffre bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour respecter ses engagements climatiques. Pire, le Haut Conseil pour le Climat pointe du doigt ce que Greenpeace dénonce depuis des années : 70 % de cette réduction provient de facteurs conjoncturels (douceur hivernale, diminution de l’élevage en France…) et non de véritables mesures structurelles.

En 2025 la France devrait enregistrer pour l’année complète une baisse globale de ses émissions de GES hors puits de carbone de -0,8 % par rapport à 2024. Or seule une baisse d’au moins 5% par an pourrait permettre à la France de respecter ses engagements climatiques.

Dix ans après la signature de l’accord de Paris, l’objectif 1,5°C s’éloigne dangereusement et force est de constater que nos responsables politiques ne sont globalement pas à la hauteur des objectifs qu’ils se fixent, cédant face à l’influence de lobbys puissants, au détriment de l’ambition et de la justice climatique.

La décarbonation de notre société se planifie sur le moyen et long terme. Pourtant, les gouvernements baissent les budgets de la transition énergétique et modifient constamment les politiques publiques sans aucune cohérence. Pour ne citer que quelques exemples : la rénovation des bâtiments subit les baisses de financement du Fonds Vert (menacé de nouvelles coupes dans l’actuel PLF) ou de MaPrimeRénov’, tandis que concernant les transports le dispositif d’aide à l’achat, leasing social, est passé de 650 millions d’euros en 2024 sur le budget de l’Etat à 369 millions en 2025, cette fois-ci financé par les  Certificats d’Economies d’Energie (CEE).

« Face à tous ces reculs, on peut se demander quelle sera l’utilité réelle d’un document comme la SNBC tant que les actions concrètes resteront si rares et si peu ambitieuses » ajoute Nicolas Nace. ”La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont on attend la publication prochaine, sera un bon indicateur de l’ambition réelle de l’Etat : tout recul sur le développement des énergies renouvelables montrerait que le climat n’est toujours pas la priorité du gouvernement”.

La SNBC plus en détails : 

  • objectifs climatiques

Avec la dégradation rapide et massive de nos puits de carbone, l’objectif de réduction de moitié de nos émissions brutes en 2030 par rapport à 1990 est largement insuffisant pour respecter l’ambition européenne de réduction de 55 % des émissions nettes pour 2030.

  • énergies fossiles

La SNBC vise la fin de la production du charbon en 2027, et de la production de pétrole et de gaz fossile en 2040, ainsi que la fin de la consommation de charbon à horizon 2030, de pétrole d’ici 2045 et de gaz fossile d’ici 2050.

Greenpeace déplore des reports sur la fermeture des centrales à charbon en France, et des dates de sortie des énergies fossiles très tardives et ne note aucune nouveauté depuis la loi Hulot et la COP28 où ces annonces avaient été faites. Pour contribuer à la hauteur de sa responsabilité dans la crise climatique, la France devrait sortir du gaz fossile dès 2035 et du pétrole en 2040, mais aussi définir des objectifs intermédiaires et renoncer à l’exploitation d’hydrocarbures en France dès maintenant.

  • transport

Le secteur des transports reste le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France mais la SNBC reste muette sur la réduction du transport aérien, dont les émissions continuent de croître. Les objectifs climatiques du secteur des transports n’ont pas été atteints, la transition dans ce secteur pâtissant tout particulièrement du manque de moyens et de mesures structurelles. Dernier exemple en date des contradiction entre ambitions et moyens, la réduction du leasing social qui réduit l’accès à la voiture électrique pour les classes moyennes et les plus précaires. L’enveloppe de 2024 avait permis le financement de 50 000 dossiers par an. Si la SNBC mise en partie sur le développement de ce dispositif pour atteindre des objectifs de véhicules électriques, les financements alloués au dispositif de leasing social à l’avenir sont pour le moment inconnus.

  • élevage

En ce qui concerne la consommation de viande, le gouvernement élude sa capacité d’action concernant les enjeux environnementaux autour de l’élevage : le gouvernement appelle à réduire “l’intensité carbone de l’élevage” et à “renforcer leur autonomie protéique” sans jamais mentionner les modèles d’élevage à soutenir pour parvenir à atteindre de tels objectifs.

Pourtant, en parallèle de cette SNBC, le gouvernement agit activement pour accélérer l’industrialisation de l’élevage en s’attaquant une nouvelle fois à la réglementation en matière des ICPE, avec pour proposition de sortir les élevages industriels de cette réglementation.
Greenpeace déplore ce dédouanement dans le cadre de la SNBC sur un sujet aussi crucial et alerte sur l’industrialisation de l’élevage qui se fait au détriment des urgences environnementales, à la fois sur le plan climatique et de la biodiversité, et qui accélère la chute massive du nombre d’éleveurs. C’est pourtant cette industrialisation de l’élevage qui nous rend dépendant des importations, à la fois des importations de soja (3 millions de tonnes chaque années) ou encore d’engrais azotés et qui empêche totalement le gouvernement d’atteindre ce type d’objectifs.
Enfin, le gouvernement esquive les objectifs de réduction de la consommation de viande en appelant à se référer à la future SNANC (Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat) alors même que cette dernière fait l’objet de sabotage autour de sa publication, par le gouvernement lui-même, et que les objectifs sur la viande y sont constamment contestés et obstrués.
Greenpeace rappelle qu’il est indispensable de se diriger vers moins et mieux de viande, notamment des modèles d’élevage durable et en permettant réellement les changements de comportements alimentaires. Enfin, nous affirmons que ces feuilles de routes sont absolument vaines tant qu’en parallèle, le gouvernement continuera de soutenir et voter des projets de loi telle que la Loi Duplomb.

Notes aux rédactions

À l’occasion des 10 ans de l’accord de Paris, Action Justice Climat, ANV-COP21 et Greenpeace France ont déployé une banderole de 300 mètres carrés sur le Champ-de-Mars, dénonçant 10 ans de sabotage climatique et faisant apparaître les visages d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Vincent Bolloré, Patrick Pouyanné, Jeff Bezos et Donald Trump. Ces visages symbolisent les différentes forces politiques et privées qui torpillent la lutte contre le changement climatique.

Ce matin, des activistes d’Action non-violente COP21, d’Action Justice Climat et de Greenpeace France ont déversé de la peinture orange sur la Place Charles-de-Gaulle pour alerter sur l’invisibilisation persistante des populations les plus touchées par la crise climatique. Les voies ainsi repeintes représentent les autres voies à prendre pour renouer avec une trajectoire climatique viable et juste. Le message “Climat : suivre d’autres voix” a été brandi sur le lieu de l’action pour exiger un changement de cap et le respect de l’accord de Paris.