Pacte d’orientation agricole : un échec politique pour l’avenir de notre agriculture

Alors que Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a présenté ce matin le très attendu pacte d’orientation agricole, Greenpeace France déplore le contenu de ce pacte. Les mesures proposées passent à côté des enjeux essentiels pour faire face aux multiples crises subies par le monde agricole, notamment celui de réformer en profondeur notre système d’élevage [1].

Annoncée comme « la grande loi agricole” du quinquennat d’Emmanuel Macron, cette politique agricole, censée réunir la société civile et le monde agricole autour d’une vision commune du secteur pour les prochaines années, devait répondre à la fois aux défis de renouvellement des générations, de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur et d’adaptation au changement climatique.

Symptomatiques de la politique d’Emmanuel Macron, ces incantations ne sont suivies d’aucun acte politique ambitieux, s’indigne Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France.A la lecture de ce pacte, force est de constater que la politique agricole du gouvernement va à contre-sens des enjeux climatiques et écologiques auxquels l’agriculture française devra faire face dans les prochaines décennies. Ce pacte, qui persiste à industrialiser notre agriculture au lieu d’enclencher une transition agricole favorisant l’installation d’agriculteurs et l’accès à une alimentation de qualité, ne relèvera pas ces défis.

L’élevage, grand oublié du pacte
Alors que ce secteur représente 59,6 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole [2] et que toutes les filières d’élevage ont une tendance à l’industrialisation [3], les mesures proposées dans ce pacte, et plus particulièrement dans l’axe 4, visent à faciliter la construction des élevages les plus industriels.

Greenpeace alerte sur une accélération de l’industrialisation de l’élevage, puisque ce pacte prévoit un affaiblissement des contentieux juridiques concernant les projets d’élevages industriels [4], poursuit Sandy Olivar Calvo. A contrario, ce pacte ne propose aucune mesure de soutien et de développement aux élevages les plus vertueux (paysans et/ou biologiques).Cette politique volontariste, qui vise à procrastiner la transition de l’élevage, est un aveu de faiblesse du gouvernement face aux multiples enjeux et pour soutenir l’ensemble des agriculteurs et agricultrices.

Par ailleurs, à la présentation de ce pacte, une question demeure : quelle cohérence entre cette politique agricole et la planification écologique présentée il y a quelques mois par le gouvernement, qui mentionnait la nécessité de réduire la consommation et la production de viande et d’orienter nos élevages vers des modèles vertueux plutôt que industriels ? Le ministère de l’Agriculture ne semble pas être concerné par cette planification écologique et mène des politiques complètement décorrélées de celle-ci.

L’illusion de la “grande loi d’orientation agricole”
Malgré des sessions de concertations les premiers mois entre la société civile et le ministère, force est de constater que la majorité des mesures sont désormais présentées sous forme de “pacte”, c’est-à-dire sans être soumises à un vote du Parlement, réduisant ainsi la possibilité de débat démocratique. La rédaction finale de ce pacte, réalisée à huis clos, s’est effectuée au détriment du projet de loi lui-même, qui a fortement perdu de son ambition initiale. Celui-ci ayant d’ores et déjà été envoyé au Conseil d’Etat et consulté par Greenpeace, l’ONG appelle les député·es à faire évoluer le contenu de cette loi qui ne répond pas aux enjeux immenses de la transition de notre modèle agricole.

Un moratoire pour amorcer une sortie de l’élevage industriel
La refonte de notre modèle d’élevage industriel commence par la mise en place d’un moratoire sur tous les nouveaux projets de construction ou d’extension de fermes-usines en France, nécessaire pour déployer d’autres modèles d’élevage sur le territoire, explique Sandy Olivar Calvo. Cela permettrait de réduire nos volumes de production et de consommation de produits issus de l’élevage industriel. En parallèle, le gouvernement doit planifier une meilleure répartition de l’élevage sur tout le territoire et soutenir les modèles d’élevages écologiques, au service de la transition agro-écologique [5].

 

Notes aux rédactions :
[1] Voir “Élevage industriel : Greenpeace exige un moratoire sur les fermes-usines”, communiqué de presse de Greenpeace France, 16/05/2023.
[2] Acter l’urgence, engager les moyens, Haut Conseil pour le Climat, juin 2023, p.105. Ce chiffre ne tient pas compte des émissions de gaz à effet de serre importées (telles que les importations directes de viande et les émissions liées à la déforestation).
[3] Voir “Élevage en France : des fermes, pas des usines !”, dossier de presse de Greenpeace France, 05/2023
[4] Voir la carte des fermes-usines en France (Greenpeace, mai 2023). Pour quantifier les fermes-usines, il est intéressant de regarder les “installations classées pour la protection de l’environnement” (ICPE) d’élevages bovins, porcins et de volailles qui sont soumises à autorisation et en fonctionnement : ce sont les ICPE qui correspondent au plus haut niveau de classification, c’est-à-dire celles qui doivent obligatoirement obtenir une autorisation préfectorale et faire l’objet d’une enquête publique en raison des impacts massifs qu’elles peuvent avoir sur l’eau, l’air, les sols, et des dangers qu’elles peuvent présenter pour l’environnement. Leur densité sur un territoire accentue d’autant plus cette pression environnementale. Source : « Tout savoir sur les ICPE », site du ministère de la Transition écologique, mars 2023
[5] Voir “Pas d’agriculture sans élevage !”, tribune collective publiée dans Ouest-France, 27/02/2023.