FICHAGE DES ANTI-NUCLÉAIRES : LE CONSEIL D’ÉTAT VALIDE UN OUTIL RÉPRESSIF
Communiqué de presse commun de Greenpeace France, du Réseau « Sortir du nucléaire » et Cacendr
En septembre 2024, Greenpeace France, le Réseau « Sortir du nucléaire » et Cacendr, accompagnées par des journalistes, élu·es et autres membres de la société civile dénonçaient les contours flous d’un fichier intitulé ODIINuc, créé par un décret du 8 avril 2024 à l’initiative du ministère de l’Intérieur.
À l’audience, après avoir constaté que le décret était lacunaire sur ce point, le rapporteur public avait invité le Conseil d’État à préciser les actes pouvant donner lieu à fichage.
À ses yeux, naturellement, la simple participation à une manifestation anti-nucléaire ne suffit pas : seule une participation active ou une « abstention fautive », telle que le refus de présenter des documents d’accès à une zone sensible, peut justifier une inscription au fichier.
Le 23 juillet 2025, le Conseil d’État a rendu sa décision.
La juridiction n’a pas tenu compte de ses préconisations et a validé cet outil malgré ses nombreuses zones d’ombre et les atteintes aux libertés fondamentales qu’il implique.
Un fichage assumé des militants
Pour rappel, le fichier ODIINuc vise à « la collecte et l’analyse des informations relatives aux personnes impliquées dans des événements révélant un risque d’atteinte à la sécurité nucléaire » en France. Le flou des termes utilisés pour définir les personnes visées laisse une très large marge de manœuvre au responsable du traitement de ce fichier.
Sous couvert de poursuivre un objectif de sécurité publique, le Conseil d’État reconnaît dans sa décision que ce fichage va conduire à des atteintes au droit à la vie privée, mais aussi à la liberté d’expression et à la liberté de manifester.
Il est inquiétant de constater que la Haute juridiction considère que les données de personnes participant à des « actions relevant, à titre principal, de la liberté d’expression ou de la liberté de manifester« , et donc à des actions militantes, peuvent avoir leur place dans ce fichier.
Un flou qui permet l’arbitraire
Alors que les fichiers sont supposés être circonscrits, notamment par le biais de limitations claires et précises pour éviter l’arbitraire, le fichier ODIINuc se caractérise par le flou qui entoure les termes d’ « évènement révélant un risque d’atteinte à la sécurité nucléaire » que le Conseil d’État n’a pas cru devoir préciser, bien qu’il s’agisse d’une notion clé dans la mise en œuvre du fichage.
De plus, malgré tous les droits fondamentaux en jeu, il estime que le fichage peut découler d’une « participation active ou passive » : se trouver passivement à une manifestation avec une simple pancarte devant une centrale nucléaire pourrait donc justifier une inscription dans ce fichier.
Tout aussi inquiétant, alors que le ministère de l’Intérieur estimait que les requérant⋅es ne justifiaient pas d’un intérêt suffisant pour agir contre le décret, le Conseil d’État n’en a déclaré aucun irrecevable, confirmant, en creux, que toutes ces personnes sont susceptibles d’être concernées par ce fichier.
Les associations sont extrêmement inquiètes de l’arbitraire permis par ce fichier que le Conseil d’État n’a pas censuré. Elles se réservent le droit de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme.