La RDC reçoit des millions pour sauver la forêt, alors qu’elle attribue des concessions illégales

Le secteur forestier de la RDC reste gangrené par d’inquiétantes irrégularités dont la forêt du Bassin du Congo, la deuxième forêt tropicale du monde, fait les frais. Greenpeace dévoile en effet de nouvelles violations de la réglementation forestière en vigueur, notamment du moratoire signé en 2002 qui interdit formellement l’attribution de nouvelles concessions forestières.

Des violations systématiques de la loi

Ces nouvelles violations traduisent une volonté systématique de s’affranchir de la législation. En août 2015 déjà, le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de l’époque, Bienvenu Liyota Ndjoli, a attribué illégalement trois concessions – couvrant un total d’environ 650 000 ha – à deux sociétés chinoises: la SOMIFOR et la FODECO. En août 2016, un an après leur révélation par Greenpeace, son successeur, Robert Bopolo Mbongeza, annule ces trois contrats.

En réaction au rapport de Greenpeace publié en juillet 2016, Monsieur Robert Bopolo s’empresse alors de déclarer dans la presse qu’« il n’y a aucune trace des contrats attribuant trois concessions forestières à SOMIFOR et FODECO » et que « Le Trésor public n’a rien encaissé dans cette transaction illégale ». Il décide ainsi d’annuler les contrats de concession afin « d’éviter que les détenteurs s’en prévalent ultérieurement ».

Surprise ! Un mois plus tard, le 15 septembre 2016, le même Ministre, Robert Bopolo, accorde à son tour et dans la plus parfaite illégalité, une concession forestière à un conseiller du Président Joseph Kabila, Monsieur Faustin Lokinda Litalema. Il donne également son feu vert à une autre concession sollicitée par le député national Jacques Mokako Nzeke, membre du parti au pouvoir. Ces nouvelles attributions concernent plus de 4 000 km² de forêt, dont de vastes zones de forêts primaires.

Le beurre et l’argent du beurre

Ces violations caractérisées, dont Greenpeace s’est procurée les preuves (un contrat de concession forestière pour l’une, un avis favorable ministériel pour l’autre, que l’on peut retrouver ci-dessus), interviennent seulement trois semaines après la visite du ministre norvégien du Climat et de l’Environnement, Vidar Helgesen, à Kinshasa. L’objectif de sa visite était de préparer le premier versement à un fonds destiné à la protection des forêts congolaises, qui doit être financé à hauteur de 200 millions de dollars par un groupe de bailleurs de fonds mené par la Norvège et regroupé dans une entité qui porte le nom d’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) – et dont la France fait partie.

Ce premier versement – une tranche de 40 millions de dollars, a été versé en octobre 2016. Soit un mois à peine après les violations du moratoire dont l’objectif est précisément… de protéger la forêt congolaise !

Greenpeace et d’autres organisations non gouvernementales ont demandé à plusieurs reprises la constitution d’une commission d’enquête indépendante dont le mandat serait d’établir les responsabilités du personnel politique impliqué dans les attributions illégales de 2015, ou associé à leur dissimulation. Malgré cette demande réitérée, aucune action n’a été menée par les autorités à ce jour. L’impunité prévaut, encourageant ainsi le maintien d’un système profondément vicié.

L’attitude ambiguë des bailleurs de fonds

Curieusement, la CAFI reste silencieuse. Avant de procéder au versement de leurs premières dizaines de millions de dollars d’aide financière, les bailleurs de fonds européens n’ont visiblement pas cherché à améliorer la gouvernance forestière en RDC ni réclamé des garanties susceptibles de protéger le moratoire. Ils se sont apparemment contentés de l’annulation des trois titres illégalement octroyés par Monsieur Liyota, sans se demander si leur argent n’était pas en train de conforter le chaos qui existe depuis de lustres dans le secteur forestier de la RDC plutôt que de servir à la protection de la forêt.

Afin de s’assurer que l’argent des bailleurs de fond internationaux n’est pas gaspillé et détourné des objectifs fixés, il est nécessaire de suspendre la totalité du programme de la CAFI jusqu’à ce qu’un examen approfondi de l’ensemble de ses activités, y compris l’adoption de mécanismes de contrôle et de garantie adéquats, ait été mené.