Réduire l’élevage industriel dans l’Union européenne permettrait de compenser le déficit en blé ukrainien

Réduire immédiatement de 8 % l’utilisation de céréales pour l’alimentation animale dans l’Union européenne (UE) permettrait d’économiser suffisamment de blé pour compenser le déficit attendu en Ukraine à la suite de l’invasion russe, selon les calculs de Greenpeace. Greenpeace demande donc à l’UE de réduire l’élevage industriel afin de libérer suffisamment de céréales pour combler le déficit en blé, et de diminuer la dépendance de l’UE aux engrais de synthèse de plus en plus chers et polluants.

La production de blé de l’Ukraine, dont dépendent de nombreux pays en dehors de l’UE pour se nourrir, devrait être fortement entravée par la guerre. Celle-ci a également des impacts sur les agriculteurs européens, avec notamment une diminution des importations d’alimentation animale et une perturbation des chaînes d’approvisionnement en engrais de synthèse. Ces engrais de synthèse sont par ailleurs utilisés majoritairement pour la culture d’aliments pour les animaux, puisque 63% des terres arables en Europe [1] leur sont destinés.

Aujourd’hui, la Commission européenne devrait annoncer l’octroi d’une aide financière de 500 millions d’euros aux agriculteurs impactés par la guerre et permettre aux Etats membres d’apporter un milliard d’euros supplémentaires. La Commission, soutenue par plusieurs Etats membres, a également déclaré vouloir assouplir les protections environnementales de la politique agricole commune [2] et semble encline à retarder la mise en œuvre d’éléments clés du Pacte Vert et de la stratégie « De la ferme à la fourchette ». Les lobbyistes de l’agro-industrie [3], et notamment la FNSEA, l’ont également réclamé avec insistance.

« En clair, le lobby de l’agro-industrie demande aux contribuables de payer la facture pour plus d’alimentation animale et d’engrais de synthèse et pour renoncer à une protection environnementale, explique Laure Ducos, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. En faisant croire qu’il est nécessaire de toujours produire plus, la FNSEA et consorts assènent le coup final à un modèle agricole industriel à bout de souffle. L’appétit de l’élevage industriel pour l’alimentation animale et les engrais de synthèse nécessaires à sa production le rendent très vulnérable aux perturbations. La solution consiste à produire mieux et à aider les fermes industrielles à réduire le nombre d’animaux produits au lieu de les rémunérer pour maintenir ce nombre insoutenable. Moins de viande et de produits laitiers industriels, et une production plus écologique, rendraient l’agriculture européenne plus résistante aux chocs imprévus comme ce conflit, ou prévisibles comme le changement climatique. Mais au lieu de cela, l’UE risque de renforcer un modèle qui va droit dans le mur. »

La surproduction de produits animaux au cœur du problème

L’Ukraine produit en moyenne 26 millions de tonnes de blé par an, dont la majeure partie est exportée. La FAO estime [4] qu’en raison de la guerre, la production céréalière ukrainienne risque d’être réduite de 20 à 30 %. Un scénario plus extrême – mais aussi plus réaliste au regard des impacts de la situation en Ukraine et de la durée du conflit – de réduction de 50 % de la production ukrainienne de blé entraînerait un déficit mondial de 13 millions de tonnes de blé disponibles pour nourrir les humains.

Dans l’UE, 162,5 millions de tonnes de céréales de toutes sortes sont utilisées pour l’alimentation des animaux d’élevage, principalement des porcs et des volailles, sur un total de 303 millions de tonnes utilisées (alimentation humaine, alimentation animale et usages industriels confondus). Le blé représente 38,2 millions de tonnes des céréales utilisées dans l’UE pour l’alimentation animale. Comme les différentes céréales sont, dans une certaine mesure, interchangeables dans l’alimentation animale, une réduction de seulement 8%, de 162,5 à 149,5 millions de tonnes de céréales, serait donc nécessaire pour rendre 13 millions de tonnes de blé disponibles.

Greenpeace demande à l’UE et aux Etats européens de réduire immédiatement la production industrielle de viande, d’œufs et de produits laitiers de manière à diminuer de 8 % l’utilisation des céréales pour combler ce déficit en blé. Cette mesure fait partie d’un ensemble de mesures demandées par Greenpeace [5] pour garantir que les pays les plus vulnérables ne subissent pas le poids des pénuries de céréales, et pour améliorer la résilience du système alimentaire et agricole européen afin qu’il cesse d’être en compétition avec ces pays pour les terres agricoles et les ressources à importer.

 

Notes aux rédactions :
[1] Voir https://www.greenpeace.org/static/planet4-eu-unit-stateless/2019/02/83254ee1-190212-feeding-the-problem-dangerous-intensification-of-animal-farming-in-europe.pdf
[2] Source : https://www.politico.eu/article/ukraine-russia-war-eu-food-farmer-green-deal-corn-fertilizer/
[3] Source : https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/agrifood-brief-guardians-of-the-green-galaxy/
[4] Source : https://www.fao.org/fileadmin/user_upload/faoweb/2022/Info-Note-Ukraine-Russian-Federation.pdf
[5] Voir : https://www.greenpeace.org/eu-unit/issues/nature-food/46101/feeding-fears-tackling-the-farming-fallout-of-the-war-in-ukraine/