« Mauvaise influence » : ou comment les conseils du cabinet McKinsey conduisent à la destruction des forêts tropicales

Paris, le 7 avril 2011 – Greenpeace publie aujourd’hui un rapport sur l’influence néfaste jouée par le célèbre cabinet de conseil McKinsey sur les plans de lutte contre la déforestation – dans le cadre des négociations climatiques – de plusieurs pays forestiers, l’Indonésie, le Guyana, la Papouasie Nouvelle Guinée et la République Démocratique du Congo.

Le cabinet McKinsey est mondialement connu comme l’un des plus prestigieux acteurs de l’industrie du conseil. Depuis 2008, il a réussi à se positionner comme conseil incontournable dans l’élaboration des stratégies REDD (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière) de pays forestiers majeurs. Le mécanisme REDD est censé mobiliser le financement des initiatives de lutte contre la déforestation de ces pays.

« Pour les pays forestiers, McKinsey, c’est une soi-disant garantie de crédibilité et un carnet d’adresse pour faciliter l’accès à des financements internationaux » explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêts pour Greenpeace France.

McKinsey au Congo : un scénario catastrophe au service des intérêts industriels

Fin 2009, par exemple, McKinsey est chargé de produire une analyse du potentiel REDD de la RD Congo. Au final, le plan stratégique élaboré par le Gouvernement Congolais reprend in extenso les recommandations du cabinet, formulées en moins de 5 semaines. Et elles sont en total contradiction avec l’objectif affiché de protection des forêts et de leurs habitants, prévoyant notamment :

– l’expansion de l’industrie forestière sur 10 millions d’hectares supplémentaires de forêt dense humide ;

– des subventions pour l’industrie forestière afin qu’elle limite sa contribution à la dégradation des forêts (750 millions d’euros pour… le maintien de la situation actuelle)!

– plus d’un milliard d’euros annuels à horizon 2030 pour l’agro-industrie (huile de palme, etc.) pour qu’elle localise ses opérations en dehors des forêts denses ;

« McKinsey fait systématiquement la part belle aux intérêts industriels. Dans sa vision des moteurs de la déforestation en RD Congo, l’industrie forestière est exonérée de toute responsabilité tandis que le petit paysan est pointé du doigt .Pourtant, McKinsey recommande de dépenser les milliards de la Communauté international pour dédommager les industriels… Cherchez l’erreur ! » explique Jérôme Frignet.

McKinsey : erreurs, lacunes, opacité des méthodes

Le rapport de Greenpeace met à jour les nombreuses failles des méthodes utilisées par McKinsey pour arriver à ses recommandations. McKinsey s’abrite derrière le secret commercial pour ne pas révéler la façon dont il calcule ses chiffres – les fameux coûts d’opportunité, à la base de toutes ses recommandations. Le rapport révèle aussi nombre d’erreurs factuelles et de calculs fantaisistes, contribuant à biaiser son analyse.

Les forêts ne seraient qu’un stock de carbone ou des réserves foncières

Dans l’approche Mc Kinsey, il n’est jamais question de communautés forestières, de biodiversité, ou de services rendus par les écosystèmes forestiers. Les forêts ne sont envisagées que dans une logique financière, comme source de profit pour des industriels ou de contribution à la balance commerciale des pays concernés. Aucune alternative de développement, plus durable et plus équitable, n’est envisagée.

« Les gouvernements des pays forestiers sont davantage mus par les intérêts des lobbies industriels et des cabinets comme McKinsey, qu’émus par la pauvreté de leur population. Un pays comme la RD Congo ne peut pas se permettre de suivre les conseils de la firme McKinsey ; et les bailleurs de fonds, comme la France, ne devraient plus consacrer l’argent du contribuable à les financer » conclut Jérôme Frignet.

Rapport « Bad Influence » (version française disponible le 8 avril) : http://www.greenpeace.org/international/en/publications/reports/Bad-Influence/