Les organisations climat repeignent la place Charles-de-Gaulle en orange pour appeler à « suivre d’autres voix »

En ce dixième anniversaire de l’accord de Paris, des activistes d’Action non-violente COP21, d’Action Justice Climat et de Greenpeace France ont déversé ce matin de la peinture orange sur la Place Charles-de-Gaulle, anciennement place de l’Etoile, pour alerter sur l’invisibilisation persistante des populations les plus touchées par la crise climatique.

Les voies ainsi repeintes représentent les autres voies à prendre pour renouer avec une trajectoire climatique viable et juste. Le message “Climat : suivre d’autres voix” a été brandi sur le lieu de l’action pour exiger un changement de cap et le respect de l’accord de Paris.

Après 10 ans de sabotage climatique orchestré par des forces politiques réactionnaires et des grands intérêts privés, il est temps d’écouter d’autres voix : celles des populations en première ligne de la crise climatique, trop souvent passées sous silence. Plusieurs organisations et collectifs dont PikPik Environnement, Les Impactrices, Solidaires, le Collectif des Luttes Sociales et Environnementales (CLSE), le Mouvement Inter-régional des AMAP (MIRAMAP), AMAP-Togo et Alternatiba Haïti prennent aujourd’hui la parole pour les faire entendre.

 

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Derrière le sabotage climatique organisé par les puissants, des populations en première ligne

Cette action est née de la volonté de dénoncer une injustice : les personnes les moins responsables du réchauffement climatique sont celles qui en subissent le plus les conséquences. Exposition accrue à des événements climatiques extrêmes, dégradation des écosystèmes, perte de biodiversité, précarité énergétique… Ces réalités frappent de plein fouet de larges pans de la société, dans les pays du Sud global comme ici en France.

Aujourd’hui, ce sont précisément celles et ceux qui vivent cette réalité en première ligne qui doivent être entendus : habitants des pays du Sud global, personnes migrantes, habitants des quartiers populaires, femmes, paysannes et paysans, travailleuses et travailleurs, peuples autochtones, populations des territoires ultra-marins. Autant de groupes et communautés qui cumulent exposition aux risques, précarités et invisibilisation politique.

« Nous, familles des quartiers populaires, nous voulons en priorité protéger nos enfants, qui sont surexposés aux discriminations sociales et racistes. Nous ne voulons plus subir la triple peine : être surexposés aux nuisances, être structurellement sous dotés en infrastructures, et surtout n’être jamais concertés pour des décisions qui nous concernent. », explique Kaméra Vesicfondatrice et directrice de l’association PikPik Environnement.

« Il faut décoloniser nos politiques publiques et respecter les engagements de l’accord de Paris : protéger toutes les populations, investir à la hauteur des risques, garantir l’accès aux droits fondamentaux – à l’eau, à un environnement sain, à la santé, à l’alimentation – et écouter réellement les habitants, notamment celles et ceux des territoires en première ligne comme les territoires dits d’outre-mer. Sinon, on ne transforme rien et on reconduit les mêmes inégalités », affirme Jason Temaui Man, activiste polynésien et porte-parole du CLSE.

Crédits photo (photos au sol) : Robin Jhel
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Dix ans après l’accord de Paris : l’urgence de changer de voie

Dix ans après la signature de l’accord de Paris, force est de constater que nos responsables politiques, sous l’influence de lobbys privés et d’un modèle tourné davantage vers la course aux profits que vers la justice climatique, n’ont pas été à la hauteur. Les émissions globales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et 2024 a été la première année entière à dépasser les +1,5 °C de réchauffement global.

Mais cette faillite n’est pas seulement climatique : elle est aussi démocratique. Les populations demandent des politiques à la hauteur de l’urgence, la protection des écosystèmes, de l’air, de l’eau, du vivant, ainsi que la garantie de conditions de vie dignes. Ces aspirations, majoritaires, restent pourtant ignorées au profit d’intérêts privés qui orientent encore trop largement l’action publique.

Face à ces crises, les populations en première ligne du dérèglement climatique portent des solutions. Leurs expertises, leurs approches et leurs luttes constituent des leviers essentiels pour construire une bifurcation écologique juste et protectrice.

« L’agro-industrie a une grande part de responsabilité dans le dérèglement climatique. Nous prenons aujourd’hui la parole pour rappeler que d’autres voies en agriculture existent déjà et doivent être soutenues par les responsables politiques : une agriculture paysanne, respectueuse de la terre, du climat, des agriculteurs et de celles et ceux qui mangent leurs produits », explique Florent Sebban, paysan et porte-parole du MIRAMAP.

« Nous œuvrons pour une écologie féministe et antiraciste, qui donne la parole aux premières personnes impactées par le changement climatique et les multiples oppressions systémiques. Il est urgent de faire de la place pour que les femmes et les minorités soient entendues. Ces diversités de voix représentent tout autant de récits alternatifs et de solutions pour une transition écologique juste. » ajoute Alicia L., de l’association Les Impactrices.

Et maintenant ? Construire une rupture écologique juste, avec celles et ceux en première ligne

Les choix du lieu de l’action comme celui de la peinture orange rappellent l’urgence d’agir, mais portent aussi un message d’espoir. Nous nous trouvons à un carrefour décisif où il est encore possible d’emprunter d’autres voies au nom de la dignité humaine et du vivant.

Construire une véritable rupture écologique implique de reconnaître les héritages coloniaux et les rapports de pouvoir Nord–Sud, de rompre avec les logiques de domination qui traversent nos sociétés et de protéger réellement toutes les populations. Cela suppose de garantir les droits fondamentaux et d’en conquérir de nouveaux, en construisant des politiques publiques qui servent enfin l’intérêt général plutôt que les intérêts privés. Les collectifs mobilisés aujourd’hui, dans leur diversité, se battent déjà pour cette justice sociale et climatique : leurs expériences, leurs savoirs et leurs propositions sont indispensables pour rendre cette transformation possible.

La suite exige donc des responsables politiques capables d’écouter ces voix plutôt que celles des lobbys, et de prendre résolument la voie de la justice climatique, plutôt que de perpétuer un modèle qui détruit le climat, broie les populations et reproduit des logiques d’exploitation et d’oppression.

« La crise climatique dépasse les frontières, les croyances et les cultures. L’humanité est mise en péril par des connivences politico-économiques à l’échelle internationale et qui convoitent les ressources naturelles de pays rendus vulnérables comme Haïti. Ce qui sauvera le climat et la vie sur Terre, ce sont des politiques publiques audacieuses, à la hauteur des enjeux contemporains et futurs, basées sur la fraternité et la solidarité et portées par des personnalités intègres et des citoyens concernés qui donnent de la voix », affirme David Tilus, militant à Alternatiba Haïti.

Enfin, pour Tayeb Khouira, secrétaire national du syndicat Solidaires, « une véritable rupture écologique doit impérativement être un moment de conquête de nouveaux droits qui la rendent possible et désirable pour le monde du travail ».


Note aux rédactions :

La peinture utilisée pour cette action, composée de pigments naturels, n’est pas nocive et s’efface à l’eau. Cette action a été organisée par Action Justice Climat, ANV-COP21 et Greenpeace France. En ce jour du dixième anniversaire de l’accord de Paris, elles souhaitent visibiliser l’expérience des populations les plus directement impactées par le déréglement climatique, notamment  représentées par les organisations suivantes :