La canicule qui s’abat sur la France métropolitaine non seulement est une épreuve pour des millions de personnes, mais elle illustre aussi de façon dramatique l’inaction du gouvernement et l’absence de stratégie de la France face au dérèglement climatique. Entre un Premier ministre absent, un gouvernement qui rejette la responsabilité sur les individus, des partis politiques, droite et extrême droite en tête, bloqués sur de fausses solutions comme le tout climatisation, sans parler du président de la République qui se contente de tweeter quelques bons conseils pour rester au frais, cette canicule révèle en creux les manquements et mauvais choix stratégiques des responsables politiques tant en termes d’atténuation que d’adaptation face au changement climatique.
Une politique climatique à contresens
Alors que la France décroche de sa trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre et enchaîne les reculs en matière de politique climatique, elle s’emploie également à saboter l’ambition climatique européenne. À Bruxelles, le président de la République manœuvre pour affaiblir les objectifs de réduction des émissions à l’horizon 2035 et 2040, rejoignant les gouvernements les plus conservateurs d’Europe. Cette inaction est d’autant plus irresponsable qu’elle s’accompagne d’un sous-financement chronique de l’adaptation : face aux canicules, inondations ou sécheresses qui frappent déjà nos territoires, le gouvernement refuse d’agir à la hauteur, ni ne répond aux interpellations sur ce sujet. C’est pourquoi Greenpeace France a saisi le Conseil d’État il y a quelques jours face aux manquements flagrants de l’État en la matière, aux côtés de sinistré·es climatiques et d’associations dont Oxfam France et Notre Affaire à Tous.
Des logements et bâtiments publics inadaptés
Le retard pris sur la rénovation énergétique des logements et les baisses de financement dédiés aux travaux compromettent encore davantage l’atteinte de nos objectifs. La vague de chaleur actuelle met en lumière un angle mort de ces politiques : la situation dramatique de nombreux établissements scolaires, triste symbole de l’incapacité de la France à adapter ses infrastructures au dérèglement climatique. Au-delà de la nécessité d’enrayer la baisse des subventions à la rénovation des logements, Greenpeace France réclame d’urgence la rénovation énergétique performante des établissements scolaires pour assurer de meilleures conditions d’apprentissage, réduire les factures d’énergie et lutter contre le dérèglement climatique.
Panneaux solaires, isolation thermique, cours végétalisées, ventilation, sensibilisation renforcée aux enjeux climatiques… Les établissements scolaires pourraient devenir les modèles d’une transition énergétique juste, inclusive et adaptée aux défis climatiques.
Une loi sur l’agriculture démagogique à rebours des besoins de la transition agroécologique
La canicule actuelle devrait forcer nos dirigeants politiques à anticiper les changements climatiques à venir et à engager la transition de notre modèle agricole vers un modèle plus résilient et agroécologique. Or, alors que la sécheresse frappe de nombreux territoires, c’est tout l’inverse qui est en train de se produire : les parlementaires, réunis en commission mixte paritaire pour se prononcer sur la loi Duplomb, ont validé lundi des reculs gravissimes qui ne feront qu’accentuer notre vulnérabilité au réchauffement climatique, en continuant à promouvoir un modèle agro-industriel destructeur pour le climat et la biodiversité. Greenpeace appelle les sénateur·trices et les député·es qui doivent désormais se prononcer sur ce texte scandaleux à le rejeter.
Un parc nucléaire trop sensible aux aléas climatiques
Le dérèglement climatique impacte directement la production d’électricité en France. Le 29 juin, EDF a dû arrêter le dernier réacteur actif (Golfech 1) de la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne) à cause de la hausse de la température de la Garonne. Il y a 15 jours déjà, EDF avait annoncé baisser l’activité de la centrale nucléaire du Bugey car l’eau du fleuve était désormais « trop chaude ». Avec le dérèglement climatique, les épisodes de fortes chaleurs et de sécheresse deviennent plus fréquents, affectant la capacité de refroidissement des centrales. Ces arrêts liés à des épisodes caniculaires sont de plus en plus courants.
Le refroidissement des réacteurs nucléaires étant une condition indispensable pour garantir la production et la sûreté, il est de plus en plus clair que ces infrastructures ne sont pas adaptées pour fonctionner dans un monde en surchauffe[1].
L’impunité du secteur des énergies fossiles
Pendant que les températures s’emballent, les profits de l’industrie des énergies fossiles suivent la même tendance. Il n’est plus acceptable que les activités qui, selon le GIEC, provoquent 86 % des émissions mondiales, restent si rentables. Taxer les géants fossiles, interdire leurs nouveaux projets climaticides, couper toute subvention à cette industrie : ce sont des mesures de justice et d’urgence qui contribueraient à financer les conséquences des événements climatiques extrêmes tels que l’épisode caniculaire que nous traversons..
Les impacts du dérèglement climatique ne vont faire que s’amplifier. Au rythme actuel du réchauffement, les vagues de chaleurs vont devenir plus intenses, plus longues et plus fréquentes. Mais il est encore temps de se référer aux recommandations des scientifiques et de prendre des mesures à la hauteur de l’urgence.
Greenpeace France demande à Emmanuel Macron et au gouvernement :
- de relancer l’ambition climatique européenne et porter des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2035 et 2040, en ligne avec l’objectif de limiter la hausse des températures à 1,5 °C, grâce à un ambitieux plan de sortie des énergies fossiles ;
- d’augmenter les financements publics pour la lutte contre les changements climatiques, l’adaptation, et la réparation des dommages en faisant payer les premiers responsables à commencer par l’industrie fossile, comme le soutiennent huit personnes sur dix en France et dans le monde ;
- de sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique, en investissant 85 milliards d’euros de subventions publiques dans la rénovation thermique performante des logements considérés comme des passoires énergétiques et d’investir pour la rénovation des bâtiments scolaires ;
- de mettre en place un moratoire sur les fermes-usines et les mégabassines, et d’assurer le financement de la transition agroécologique (soutien à l’agriculture biologique, soutien à l’installation de structures agroécologiques en filières végétales pour l’alimentation humaine) ;
- de ne pas relancer le nucléaire, qui est une énergie vulnérable face au dérèglement climatique, et de développer en contrepartie de manière accrue les énergies renouvelables.
[1] La Cour des comptes souligne que ces épisodes peuvent fortement limiter la puissance disponible. Une étude du groupement BRGM/ARMINES souligne que les ressources en eaux souterraines devraient diminuer sensiblement à l’horizon 2070, de manière générale, de +10 à -30 % selon les scénarios optimistes, de -20 à -55 % d’après les scénarios pessimistes. Cette diminution entraînerait une baisse du même ordre de grandeur des débits d’étiage des cours d’eau.