Bal d’ouverture au Bourget

COP21 : jour 1. Entre tentatives de Greenwashing et discours solennels des chefs d’Etat, ce premier jour a permis de prendre un peu la température de cet éphémère temple mondial du climat, dressé pour l’occasion au Bourget. Tout est ouvert, tout reste à faire. Après le propos liminaire des chefs d’Etat hier, les négociateurs se mettent au travail aujourd’hui pour développer le brouillon d’accord proprement dit, encore troué de mille parenthèses.

Greenwashing

Le parcours initiatique vers le centre du Bourget est assez instructif de l’état du monde dans lequel nous nous trouvons. D’abord, il faut croiser une pléiade interminable d’hommes en armes et d’agents de sécurité onusiens qui ressemblent à des shérifs américains.

Une fois les portiques de sécurité franchis, il faut faire face à la tentative d’hypnose du CAC 40 : de grands panneaux encadrent le passage, sur lesquels sont accrochés tous les logos des sponsors officiels de la COP21 – ceux qui avaient les moyens de financer l’événement avec des capitaux privés, comme Engie, AXA, LVMH, Sanofi, L’Oréal, etc.

Pendant ce temps-là, dans Paris, 600 affiches publicitaires de ces mêmes sponsors, parmi les plus grands pollueurs pour la plupart, étaient détournées par un collectif militant : “Roulez plus propre. Du moins en apparence”, disait ce slogan détourné d’une célèbre marque de voiture. Manière de dérégler la petite musique de la marchandise, et de dévoiler les dégradations qu’elle inflige continument à notre environnement.

Le bon discours de François Hollande, du moins en apparence

François Hollande a ouvert le bal des discours présidentiels qui, tout l’après-midi, se sont déroulés sur nos écrans (l’accès à la plénière étant limitée pour les observateurs). Et de plutôt belle manière. Il a en effet rappelé l’importance de trouver un accord juridiquement contraignant, de mettre en place un mécanisme de révision à la hausse des contributions de chaque Etat à l’effort climatique tous les cinq ans, insisté sur la notion de justice climatique et sur l’impératif des pays du Nord à financer l’adaptation des pays du Sud aux dérèglements climatiques, rappelé que l’enjeu climatique était une question de survie pour certains pays, évoqué le seuil des 1,5°C sur lequel de plus en plus de scientifiques s’accordent (alors qu’ils parlaient d’une latitude de +2°C auparavant) et a même insisté sur la nécessité de passer rapidement aux énergies renouvelables. Soit la mise en place d’un cadre de discussions rigoureux et sain, raccord pour une large part à nos propres demandes.

Mais nous attendons maintenant des actes. D’abord dans la traduction juridique détaillée de ces grands principes au sein même de l’accord. Ensuite dans la mise en œuvre de politiques publiques concrètes au niveau national. Car les contributions financières de la France à l’adaptation des pays du Sud restent insuffisantes. Surtout : les énergies renouvelables sont à la traîne en France, faute de volonté politique. Il faudrait doubler leur rythme de développement. Angela Merkel ne s’est d’ailleurs pas privée de rappeler que les énergies renouvelables étaient désormais un pilier du mix énergétique allemand.

Offensive nucléaire

Tiens, en passant : pendant les discours de chefs d’État se tenait un side event (un événement secondaire ou parallèle, en français) un peu particulier. L’agence nucléaire de l’OCDE et l’Agence internationale de l’énergie atomique avaient en effet mis les petits plats dans les grands pour nous convaincre que le nucléaire était l’avenir de la lutte contre le réchauffement climatique et de la “décarbonisation”. Blague surannée.

Amende honorable de Barack Obama

Mais les deux discours les plus attendus étaient ceux des deux big players de la COP : les Etats-Unis et la Chine. Barack Obama a reconnu la responsabilité historique de son pays dans le dérèglement climatique. Un premier (grand) pas. Il a même ouvert la porte à un mécanisme de dédommagement pour les pays qui subiraient des pertes à cause des événements météorologiques extrêmes provoqués par le réchauffement climatique.

Par contre, il s’est montré défavorable à un mécanisme de révision de l’effort climatique imposé collectivement aux Etats. D’après lui, chacun peut faire ça dans son coin. Pas folle la guêpe. Il continue par ailleurs à croire en une croissance verte possible, façon d’éviter l’épineuse question de la décroissance de certaines productions. C’est-à-dire la question du changement de notre modèle de consommation.

Les milliardaires investissent dans le sauvetage climatique

Le président américain s’est prononcé par ailleurs pour la promotion des technologies “propres”. Ce qui inclut le nucléaire d’une part, les mécanismes fallacieux de stockage de carbone d’autre part. Plus facile que de nous interroger sur nos pratiques sociales. Dans la foulée, Bill Gates, Mark Zuckerberg et toute une tripotée “d’investisseurs influents” annonçaient débloquer des fonds privés pour financer les énergies propres dans le cadre d’une “Mission innovation”.

Si leur argent est bienvenu, un contrôle démocratique sur son usage le serait également. Car les citoyens doivent pouvoir vérifier que ces capitaux massifs ne sont pas utilisés de façon mercantile pour la promotion de la géo-ingénierie qui, en plus d’être hypothétique, suppose elle aussi de ne pas changer de système.

Avantage de Xi Jinping

De son côté, Xi Jinping a poussé ses pions en rappelant que les pays développés devaient financer l’adaptation des pays en développement. Or la Chine fait partie du G77, le groupe des pays en développement.

Et si elle demeure l’un des plus gros pollueurs malgré la réduction récente de sa dépendance au charbon, c’est d’abord pour des raisons démographiques : en moyenne, un Chinois émet en effet trois moins de CO2 qu’un Américain. Ils sont simplement plus nombreux. Quant aux produits chinois, grands consommateurs d’énergie : qui les consomment, dans leur grande majorité ? Les occidentaux.

Poutine perché

Jolies facéties de Poutine aujourd’hui. Il a en effet affirmé qu’il était inutile de réduire les gaz à effet de serre. S’en tenir au niveau actuel jusqu’en 2030 lui semble parfaitement indiqué. Il compte notamment sur ses forêts pour stocker le carbone. Or elles sont tellement mal gérées et si souvent en proie aux incendies qu’elles auraient plutôt tendance à en émettre massivement.

Eclaircie en fin de journée

Petite éclaircie en fin de journée, hier soir : 47 pays dits “vulnérables” se sont mis d’accord pour porter une position commune et demander 100% d’énergies renouvelables pour 2050. C’est une première. Et c’est une belle nouvelle. Car c’est la proposition principale de Greenpeace. Nous la suivrons donc avec la plus grande vigilance dans les jours qui viennent.
C’est donc maintenant au tour des négociateurs de travailler pour obtenir un accord.

Las, nous avons appris que leurs sessions de travail se dérouleraient à huis-clos, à l’abri des regards de la société civile. Il faut croire que la pression démocratique est encore trop dure à supporter.