Après le thon rouge, au tour des thons des tropiques d’être menacés par la surpêche ?

Comme chaque année, les thoniers de Méditerranée ont pris le large pour un mois de pêche au thon rouge fin mai, un rendez-vous qui a suscité l’intérêt des médias. Lire l’article de France TV Pêche: le retour du thon rouge en Méditerranée … Si, après des années de campagne active de plusieurs organisations de défense de l’environnement, le dossier du thon rouge est aujourd’hui connu du public, au même moment, à Colombo, se joue un autre dossier, celui du thon des tropiques.

Colombo, Sri Lanka. C’est là que vient de se tenir la conférence annuelle de la Commission des thons de l’océan Indien, la CTOI , réunion réunissant les pays impliqués dans la pêche aux thons tropicaux dans l’océan Indien. Ces pays comptent notamment la France et l’Espagne, représentées par l’Union européenne.

En effet, les flottes industrielles de thoniers de ces deux pays pêchent dans cette région (voir la carte sur le site de la CTOI) qui est la deuxième zone de pêche de listao (ou Bonite à ventre rayé) et d’albacore, deux des principales espèces de thons tropicaux.

Albacore


Listao ou Bonite à ventre rayé

Pour mémoire, chaque année, se sont 15 000 tonnes de thons rouges qui sont prises en Méditerranée.

Le problème : les dispositifs de concentration du poisson ou DCP

Pour augmenter l’efficacité des captures, les thoniers senneurs utilisent ce qu’on appelle des DCP, dispositifs de concentration du poisson. Ces radeaux équipés de GPS et d’autres équipements électroniques ont pour effet d’attirer tout un écosystème sous eux, y compris de larges bancs de thon. Mais ces DCP attirent aussi les requins, les tortues et de nombreuses autres espèces de poissons. Ils ont aussi pour effet d’attirer les thons juvéniles, qui sont donc pêchés avant de pouvoir se reproduire, et c’est tout particulièrement le cas pour l’albacore.

Paul Hitlon / Greenpeace

Les effets négatifs de ces DCP ne se limitent pas à ces captures dites accessoires, qui finissent souvent rejetées à la mer. Ils ont aussi un effet extrêmement négatif en augmentant de manière très significative la capacité de pêche des navires industriels.

Les grands senneurs espagnols de plus de 100 mètres ont par exemple des navires de soutien qui les suivent et qui déploient jusqu’à 1000 DCP dérivant à la surface de l’eau par navire de pêche.

L’Union européenne responsable de l’échec à Colombo

Les problèmes posés par ces dispositifs de concentration du poisson sont connus mais aucune mesure visant à les encadrer n’a pu être adoptée à Colombo cette semaine.
Les membres de la CTOI, qui a pour mandat non seulement d’encadrer la pêche au thon dans l’océan Indien, mais aussi de prendre les mesures indispensables à la protection de la ressource et des écosystèmes marins, ont préféré repousser toute réglementation de ces DCP. Le simple gel de l’augmentation du nombre de ces engins, proposé par la délégation de l’Île Maurice, n’a pu être adopté. L’Union européenne s’y est opposée.

Un refus qui s’explique notamment par sa volonté de défendre les intérêts de l’industrie de la pêche espagnole, beaucoup plus utilisatrice de DCP que les flottes françaises.
Cette attitude est inacceptable, et elle est en contradiction complète avec les avancées de la nouvelle PCP (Politique Commune des Pêches), telles que la lutte contre les prises accessoires, la reconstitution des stocks ou la lutte contre les capacités de pêche excessives.

L’Europe doit être cohérente et ne pas avoir des objectifs au rabais lorsqu’il s’agit de pêcher dans les eaux lointaines de l’océan Indien.

Consommateurs, à vous de jouer

La boîte de thon est le premier produit de la mer consommé par les européens en volume. Quasiment chacun d’entre nous en a une dans sa cuisine.

Seul une forte demande des consommateurs pour du thon durable, notamment pêché sans DCP, pourra réduire l’influence de ceux qui veulent continuer à couvrir les mers tropicales de pièges à requins, tortues, jeunes thons et de nombreuses espèces qui sont indispensables à la survie des pêcheurs artisans des pays en développement de cette région.

La première étape, le premier geste en tant que consommateur ? Privilégier les marques affichant un thon pêché à la ligne ou à la canne. Lire en détail l’étiquette d’une boîte de thon, un petit geste qui fera le poids.

Ne laissons pas ceux qui scient la branche sur laquelle ils sont assis mettre en péril le thon tropical comme cela a été le cas pour le thon rouge.