10 (très) bonnes raisons d’agir contre la plateforme pétrolière Prirazlomnaya de Gazprom

Jeudi dernier, les autorités russes ont illégalement pris d’assaut l’Arctic Sunrise et l’ont acheminé avec nos 30 militants à bord jusqu’au large de Mourmansk. Ils sont désormais détenus à Mourmansk en attendant les conclusions de l’enquête pour piraterie. Cet abordage est intervenu suite à une protestation pacifique sur la plateforme pétrolière de Prirazlomnaya, appartenant au géant russe de l’énergie Gazprom.

Peut-être vous demandez vous pourquoi l’équipe de l’Arctic Sunrise s’est élevée contre les activités de Gazprom. Voici la réponse :

1.  Prirazlomnaya est la première plateforme pétrolière à forer dans les eaux glacées de l’Arctique

Le géant de l’énergie Gazprom est un poids lourd de l’industrie russe, représentant 10 % du PIB, et jouant un rôle majeur dans la stratégie du président Vladimir Poutine pour consolider la position de la Russie en tant que leader du secteur de l’énergie. Les forages en Arctique sont le point clé de cette stratégie. La plateforme Prirazlomnaya sera la première à procéder à des exploitations au-delà du cercle polaire, dans un but commercial. Prirazlomnaya pourrait ainsi fournir du pétrole d’ici début 2014.

2.  Prirazlomnaya n’est pas sans danger

On retrouve sur la plateforme de Prirazlomnaya des pièces provenant d’anciennes plateformes de la Mer du Nord, qui ont rouillé pendant des années sur un chantier naval de Mourmansk. Ce n’est donc pas exactement ce que l’on pourrait appeler une plateforme sans risque… Malgré cela il est prévu qu’elle opère toute l’année dans la lointaine mer de Pechora, où la glace est présente les 2/3 de l’année et où les températures peuvent descendre en dessous de -50°C. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette plateforme n’est absolument pas sure. Jugez-en par vous même.

3. Gazprom ne rendra pas public son plan d’action en cas de marée noire

Le Conseil de l’Arctique, dont la Russie est membre, s’est mis d’accord sur le fait que ce plan d’action devait être rendu public. Prendre connaissance de ce document est la seule manière pour la société civile d’évaluer les dangers d’une marée noire dans les eaux de l’Arctique. Gazprom n’a fait qu’un rapide résumé de son plan d’action (en anglais), la version intégrale n’étant consultable que dans les bureaux de Gazprom et avec de nombreuses restrictions. Cependant, à la lecture du résumé, il est clair que Gazprom ne serait pas capable de faire face à un déversement pétrolier dans des eaux aussi lointaines. Gazprom prétend être extrêmement rigoureux concernant les mesures préventives de protection de l’environnement. Cependant, d’après les documents officiels, le pire des scénarios envisagés n’est qu’un déversement de pétrole de 10 000 tonnes, soit 73 000 barils. A titre de comparaison, lors du désastre de Deepwater Horizon, l’équivalent de 5 millions de barils a été répandu dans le Golfe du Mexique.

4. Les marées noires sont inévitables

Statistiquement, les déversements pétroliers arrivent fréquemment. En Arctique, le risque est encore plus élevé. Les eaux glacés, les icebergs et les conditions météorologiques extrêmes rendent les conditions de forage encore plus mauvaises. Les gardes-côtes américains et canadiens l’ont appris à leurs dépens le mois dernier lors d’un exercice de simulation. Ils n’ont pu déployer que des équipements de récupération, mais pas le navire de remorquage d’urgence, élément pourtant crucial de toute opération de dépollution. En 2011, Robert Papp, commandant de la garde-côtière américaine, a avoué au Congrès que son agence n’était absolument pas préparée si une catastrophe comme celle de Deepwater Horizon se produisait en Arctique.

5. Il serait quasiment impossible d’intervenir en cas de marée noire

En raison de la petite fenêtre estivale, entre mai et octobre, seule période à laquelle une intervention de dépollution serait possible. Les industriels sont incapables de garantir qu’une marée noire ne surviendra pas, et leurs plans d’intervention en cas de catastrophe restent largement inadaptés : le Pew Environment Group, après avoir examiné les plans d’intervention des compagnies pétrolières, a averti que l’industrie pétrolière n’était « pas prête pour l’Arctique » et qu’elle sous-estimait la probabilité et les conséquences d’une explosion catastrophique. Le WWF a estimé que les mesures d’évaluation des risques proposées par l’industrie n’étaient pas de l’ingénierie mais de l’ « imaginerie ».
L’éloignement géographique est une autre contrainte qui empêcherait une intervention de nettoyage. Si une catastrophe survenait sur le Prirazlomnaya, il faudrait attendre des jours pour que les équipements nécessaires les plus proches, qui se trouvent à 1 000 km à Mourmansk, soient acheminés sur place.

6. Le Prirazlomnaya se trouve à proximité de parcs naturels

Le champ pétrolier du Prirazlomnaya se trouve au beau milieu de parcs nationaux et de réserves naturelles qui sont le refuge d’espèces protégées et menacées comme le morse de l’Atlantique et les ours polaires. D’après le plan d’intervention de Gazprom en cas de marée noire, l’habitat des morses et des oiseaux pourrait être touché si un accident survenait sur la plateforme, et les habitants de la région, qui dépendent de la mer de Pechora pour pêcher et chasser, seraient eux aussi affectés.

7. La Russie a un bilan catastrophique en matière de marées noires

En Russie, des régions entières sont si polluées par les déversements pétroliers que la vie quotidienne des habitants a été totalement bouleversée. Les conditions météorologiques extrêmes et le manque d’entretien sont à l’origine de fissures sur les oléoducs qui laissent s’échapper 5 millions de tonnes de brut chaque année. D’après les chiffres officiels, les rivières et fleuves souillés du nord de la Russie déversent 500 000 tonnes de pétrole dans l’océan Arctique tous les 18 mois. À titre de comparaison, la Russie répand tous les deux mois dans l’environnement une quantité de pétrole équivalente à celle qui s’est échappée lors de la catastrophe de Deepwater horizon dans le golfe du Mexique.
Voir notre page spéciale : Glace noire – Déversement de pétrole en Russie : une crise sans fin.

8. Le pétrole de l’Arctique ne doit pas être exploité si l’on veut réduire la pollution au CO2 qui contribue au bouleversement climatique

La majorité des réserves prouvées de charbon, de pétrole et de gaz ne doivent pas être exploitées si l’on veut éviter un bouleversement catastrophique du climat qui rendrait inhabitables certaines régions de la planète. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), plus de 60 % des réserves de pétrole actuellement prouvées doivent rester dans le sous-sol pour contenir l’augmentation des températures sous la barre fatidique des 2°C. En d’autres termes, l’exploitation pétrolière  n’est certainement pas compatible avec les mesures prises au niveau international pour éviter un emballement climatique dangereux. De plus, les réserves en arctiques ne représenteraient que 3 ans de notre consommation actuelle de pétrole… Cela vaut-il le coup de prendre des risques insensés ?

9. L’Arctique est un écosystème unique et fragile

L’étendue de la banquise arctique a diminué de 30 % par rapport à son niveau de 1979, et son épaisseur s’est considérablement amoindrie. Ainsi, pendant les mois d’été, on enregistre une diminution totale de 75 % du volume de la banquise. Les changements climatiques mettent l’écosystème arctique à rude épreuve.
L’Arctique est un écosystème unique et fragile qui abrite de nombreux mammifères marins, ainsi que des espèces qu’on ne trouve presque qu’exclusivement dans cette région du monde (ours polaires, les narvals, les morses). La région Arctique doit être préservée du dérèglement climatique, des dangers induits par la production pétrolière et des risques de marée noire.

10. Lorsque les États et les entreprises font fausse route, les citoyens doivent prendre le relais !

Lorsque ni les entreprises ni les responsables politiques ne sont à la hauteur de leur responsabilité, les citoyens et les citoyennes doivent se mobiliser avec courage. Ensemble, nous devons faire bloc contre les actes qui mettent notre planète en danger. C’est notre responsabilité démocratique d’interpeller les dirigeants du monde et de les rappeler à leurs obligations. Plus de quatre millions de personnes ont rejoint le mouvement Save the Arctic. Lorsque les activistes Sini Saarela et Marco Weber ont escaladé le Prirazlomnaya pour tenter d’arrêter le crime environnemental qui s’y déroulait, ils n’étaient pas seuls : des millions de personnes du monde entier étaient derrière eux. Ensemble, nous continuerons de dénoncer les menaces que l’exploitation pétrolière en Arctique fait peser sur notre climat et notre planète. C’est notre devoir de nous mobiliser contre les multinationales pétrolières, si puissantes soient-elles.

Pour toutes ces raisons, et bien plus encore, il est plus que jamais nécessaire de défendre l’environnement !
#FreeTheArctic30 !