Greenpeace publie aujourd’hui un rapport intitulé “Des forages pétroliers à l’embouchure de l’Amazone : un risque inacceptable”, présentant une analyse critique de l’étude d’impact environnemental (EIE) présentée par Total aux autorités brésiliennes. Cette EIE est une étape obligatoire dans le cadre de l’acquisition des licences environnementales qui leur permettent d’effectuer des forages exploratoires près du Récif de l’Amazone.

Climat - Océans

Récif de l’Amazone : mauvais calcul pour Total

Greenpeace publie aujourd’hui un rapport intitulé “Des forages pétroliers à l’embouchure de l’Amazone : un risque inacceptable”, présentant une analyse critique de l’étude d’impact environnemental (EIE) présentée par Total aux autorités brésiliennes. Cette EIE est une étape obligatoire dans le cadre de l’acquisition des licences environnementales qui leur permettent d’effectuer des forages exploratoires près du Récif de l’Amazone.

C’est dans les années 1970 qu’est né le soupçon de l’existence d’un récif corallien à l’embouchure du fleuve Amazone. En avril 2016, cette découverte était confirmée par une équipe de scientifiques brésiliens dans la revue Science Advances. Au début de l’année 2017, une partie de cette équipe se trouvait à bord de l’Esperanza pour réaliser les premières images du Récif de l’Amazone et commencer à documenter cet écosystème unique.

Cette mission de documentation a confirmé l’importance et la pertinence écologique de ce que les scientifiques considèrent déjà comme un nouveau biome. Cela n’aura pas dissuadé Total, qui au sein d’un consortium de pétroliers, souhaite effectuer des forages exploratoires dans cette zone. Pour rappel, le puits de forage le plus proche se trouve à seulement 28km du récif…

Le 3 mai 2017, le Procureur de l’Etat d’Amapa a officiellement recommandé à l’IBAMA qu’elle suspende les licences environnementales accordées aux pétroliers. Des scientifiques indépendants ont décortiqué l’EIE que Total a fourni à l’Agence environnementale brésilienne (IBAMA) et ont relevé un grand nombre d’incohérences et un manque de rigueur dans la méthode utilisée. Les risques y sont sous-estimés et, de fait, les conséquences ont été minimisées.

Les caractéristiques environnementales du terrain n’ont pas été prises en compte

D’après les analyses faites par les scientifiques, les modèles hydrologiques et de dispersion de marée noire qui ont été utilisées par Total seraient imprécis – un élément qui avait déjà été souligné par l’IBAMA. Ces modèles sont utilisés pour simuler les courants d’une région donnée, afin de prévoir de quelle façon le pétrole se disperserait en cas de fuite ou de marée noire. Sauf qu’il semblerait que les modèles utilisés par Total soient incomplets (ne prenant pas en compte l’influence de l’eau douce, par exemple) et présentent des configurations incompatibles entre les vents et les courants, remettant sérieusement en cause la crédibilité de l’EIE de Total.

Une anémone et un mérou enneigé dans le Récif de l’Amazone.
© Greenpeace

Par ailleurs, le niveau élevé de sédimentation de l’eau dans cette région n’a pas été pris en compte alors qu’il est un facteur aggravant en cas de marée noire. Les sédiments se mélangeraient au pétrole et iraient se déposer tout droit au fond de l’océan, sur les coraux. Pourtant, les apports écosystémiques des récifs coralliens sont indéniables. Ils fournissent un habitat, de la nourriture et un lieu de reproduction pour de nombreuses espèces sous-marines.

Les impacts liés à une activité de forage quotidienne ont été minimisés

Tout d’abord, rappelons que les forages ultra – profonds (plus de 1500 mètres) présentent des risques supplémentaires. C’est cette méthode qui était utilisée par BP sur la plateforme de Deepwater Horizon… Total, bien que se présentant comme un champion de cette technique, a elle-même affirmé que forer près du Récif de l’Amazone était un défi dans cette région aux conditions météorologiques extrêmes et instables.

Photo aérienne prise sur le site de Deepwater Horizon, après la catastrophe.
© Daniel Beltrá / Greenpeace

Des activités de forage quotidiennes peuvent avoir de graves impacts sur les cétacés, les tortues et les oiseaux marins qui vivent dans cette région. Or, ces impacts ont été sous-estimés par Total. Les cétacés et tortues de mer sont des espèces à croissance lente qui n’ont pas beaucoup de petits et qui atteignent tardivement la maturité sexuelle, ce qui les rend particulièrement sensibles aux nuisances. Cela n’apparaît pas dans l’EIE de Total qui semble avoir évacué cette question.

Et la mangrove ?

Pour la mangrove, même combat.

Les pétroliers ne tiennent pas compte de la fragilité de cet environnement et s’entêtent dans leurs projets. Ici encore, nous percevons des “oublis” dans l’EIE de Total. Concernant les potentiels impacts, Total reconnaît qu’une marée noire pourrait atteindre les côtes des pays voisins, le Guiana et le Venezuela, mais excluent les zones côtières de mangrove du Brésil et de la Guyane française. Les modélisations étant imprécises, il est pourtant difficile d’affirmer avec certitude que cela ne touchera ni le Brésil ni la Guyane… Fort dommage lorsque l’on sait que c’est dans cette région que se trouve le plus grand écosystème continu de mangroves, fournissant aux populations locales de nombreuses ressources (bois, nourriture, médicaments…).

Mangrove dans l’embouchure de l’Amazone, à environ 50 miles au nord de Macapa au Brésil.
© Daniel Beltrá / Greenpeace

Les mangroves sont particulièrement difficiles à nettoyer après une marée noire. La biodiversité très riche qui y vit, crabes, poissons, flore, viendrait à disparaître, et les populations locales qui trouvent dans la mangrove des moyens de subsistance en souffriraient lourdement. Le parc national du Cabo Orange se trouve sur les côtes nord du Brésil. Il s’agit d’un espace protégé s’étendant sur 619 000 hectares et abritant une faune et une flore unique. Cela ne semble pas émouvoir Total plus que cela…

Lire aussi : Les projets de Total et BP menacent la mangrove amazonienne

Le plan d’intervention d’urgence est inadéquate

Pour couronner le tout, le plan d’intervention prévu par Total en cas d’accident est très loin d’être satisfaisant. Prenons le cas du dôme de confinement. En cas d’explosion, un dôme de confinement permet de bloquer le puits dans le but d’empêcher une marée noire. Il n’existe aucune garantie que cela soit une solution efficace mais elle est présentée comme telle. Soit. Problème : le dôme de confinement se trouve à… Rio de Janeiro. Soit à environ 4000 km de là où se trouvent les puits les plus proches. Il faudrait neuf jours pour acheminer le matériel sur place, ce qui laisse au pétrole un temps plus que nécessaire pour se répandre dans l’océan.

Au risque de nous répéter : nous demandons à Total de renoncer à ses projets de forages exploratoires près du Récif de l’Amazone étant donné les risques liés et les impacts potentiels pour la région de l’embouchure de l’Amazone. Nous sommes plus d’un million à défendre le Récif de l’Amazone. Plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chance de mettre un terme au projet dangereux de Total au large du Brésil.

 

 

Lire le rapport complet “Forages pétroliers à l’embouchure de l’Amazone : un risque inacceptable”.